Jamais investisseur n'a évoqué l'état d'urgence comme étant un obstacle à sa venue en Algérie. Le Mouvement de la société pour la paix (MSP) qui revendique depuis plusieurs années la levée de l'état d'urgence, en vigueur depuis plus de 18 ans, vient d'inventer une autre théorie pour inoculer sa «pilule» à l'opinion. Ayant épuisé ses arguments politiques, on ne sait pour quels soubassements, sans atteindre son objectif, ce parti islamiste évoque aujourd'hui les questions économiques pour justifier encore sa demande de levée de l'état d'urgence. Il tente ainsi de convaincre que l'état d'urgence bloque les investisseurs aussi bien nationaux qu'internationaux et les dissuade de venir investir en Algérie. S'exprimant jeudi dernier, sur les ondes de la Radio nationale Chaîne II sur le sujet, le président du parti, Bouguerra Soltani, a estimé que son maintien constituait un «spectre» pour les hommes d'affaires algériens et étrangers désireux d'investir dans le pays. Plus explicite, le chargé de communication de cette formation absente depuis plusieurs semaines de la scène politique nationale, Mohamed Djemaâ, que nous avons joint hier par téléphone, a expliqué que cette mesure freine, en effet, les investissements en Algérie. Il en veut pour preuve, la faiblesse des investissements directs étrangers (IDE) dans le pays par rapport aux pays voisins, le Maroc et la Tunisie notamment. Or, tout le monde sait que les investisseurs aussi bien nationaux qu'étrangers se plaignent des lourdeurs bureaucratiques de l'administration algérienne, par ailleurs reconnues par le Premier ministre Ahmed Ouyahia, l'insécurité, les dernières lois de finances depuis celle complémentaire de 2009, l'absence de visibilité et tant d'autres obstacles. Jamais, à notre connaissance, investisseur aussi bien national qu'étranger n'a évoqué la question de l'état d'urgence pour dire que cette mesure constitue un obstacle pour sa venue en Algérie. Pourtant, des pays qui ont instauré pareille mesure bien avant l'Algérie et qui ne l'ont pas encore levée, sont devenus des eldorados pour les investisseurs étrangers. Pour notre interlocuteur, la levée de l'état d'urgence sera un message aux investisseurs pour leur dire que «le terrorisme ne constitue plus une menace pour eux et notamment pour les investissements à long terme». «Les investisseurs cherchent la sécurité et la stabilité, et le maintien de l'état d'urgence est le signal qu'il n'y a ni stabilité ni sécurité», a-t-il insisté. Voilà un autre dérapage pour un parti qui a toujours claironné les retombées positives de la Réconciliation nationale. Coalisé avec le RND et le FLN qui ne veulent même pas entendre parler de cette question, le MSP doit s'assumer. Il doit surtout expliquer clairement les objectifs qui sous-tendent son insistance à vouloir lever l'état d'urgence. Cela étant, il sera utile de rappeler que plusieurs organisations de la société civile estiment que l'état d'urgence n'a plus aucune raison d'être du moment que le gouvernement confirme avoir défait le terrorisme à cause duquel cette mesure restrictive a été instaurée le mois de février 1992. Ces organisations considèrent que «son maintien est anticonstitutionnel et un non- droit, illégal et influe sur toutes les libertés». Pour Mostefa Bouchachi, président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (Laddh), «le maintien de cette mesure d'exception vise, à présent, l'étranglement du peuple, le musellement des syndicats autonomes, le verrouillage des médias et la limitation des activités des partis politiques». En février dernier, à l'occasion du 18e anniversaire de son instauration, la Ligue a lancé un appel pour la constitution d'une coalition nationale pour demander la levée de l'état d'urgence. Cette initiative n'a pas eu d'écho. Et pour cause, le président de AHD 54, (on suppose que c'est le cas de plusieurs organisations) dont le parti demande depuis longtemps l'abrogation, ne veut pas répondre à cet appel. Interrogé sur cette question, Ali Fawzi Rebaïne avait rétorqué: «Si on nous invite, il n'y a aucun problème et on ne s'oppose pas à l'initiative.» Ainsi, même si l'ensemble des organisations sont d'accord sur le principe de la nécessité de lever l'état d'urgence, il faut relever cette équation de «qui répond à l'appel de qui?». Ce qui est sûr, c'est qu'à quatre jours de la célébration de l'anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, la revendication reviendra, à juste titre, pour alimenter l'actualité.