Si le film marocain Les Oubliés de l'histoire montre de façon frontale la brutalité de l'être humain, le film irakien Quarantina, a choisi une autre possibilité de narration, basée beaucoup plus sur la suggestion. Le Festival international du film arabe entame son rythme de croisière. Avec le retour de la chaleur, celle-ci étend ses rayons lumineux sur ce festival pour en faire un rendez-vous des plus utiles dans El Bahia. Les films en compétition continuent à égrener leur lot d'émerveillement, de magie et de sujets collés à la réalité au gré des bouleversements sociopolitiques qui prévalent dans les pays arabes. Si le film marocain Les Oubliés de l'histoire montre de façon frontale la brutalité de l'être humain, le film irakien Quarantina, a choisi une autre possibilité de narration, une autre façon de filmer, beaucoup plus basée sur la suggestion. Le film donne à sentir plus qu'à voir. Le film d'Oday Rasheed Othman prend le temps de la respiration jusqu'à la suffocation. C'est l'histoire d'un tueur professionnel qui exerce son sinistre talent à Baghdad. Il vit dans un bâtiment abandonné avec, comme voisins, une famille déplacée dont il observe de manière impassible, les tourments. Le père Salih Abou Muhana est un homme frustré, sa femme fait le ménage chez le tueur professionnel. Elle en est amoureuse. Le tueur commet des assassinats et provoque les remontrances de ses clients, insatisfaits de sa besogne car tuant de façon indépendante. Il assiste aussi à la déchéance de cette famille sans intervenir. Le secret que l'on devine de loin le père a abusé de sa fille. Celle-ci se confine dans un silence inquiétant. On la croit habitée par un djin et on lui ramène une tante exorciste. Un film à l'apparence banale, mais le contenu narratif est construit de telle façon qu'il happe l'attention. Quarantina se fonde sur le hors champ qui donne plus d'épaisseur et la voie libre à l'imagination. Dans un autre registre pas si éloigné finalement car touchant à la condition des femmes dans les pays arabes est Fin décembre du Tunisien Moaez Kamoun. Deux hommes, une femme, une possibilité. Trois personnages, qui ne se connaissent pas, commencent une nouvelle vie. Adem, à l'allure de M.Mamour (Grays anatomy) ne supporte plus sa vie monotone en ville. Il a perdu un être cher et se sent à présent seul. Il décide sur un coup de tête d'aller se terrer dans un village pour y exercer son métier, accompagné de sa guitare. L'âme d'un artiste, Adem y fera une rencontre inattendue. Aïcha, la vingtaine, belle, ouvrière dans un atelier de confection, se voit trahie par son amoureux qui, après lui avoir fait miroiter l'idée du mariage, la quitte pour l'étranger en la laissant enceinte. Pour se débarrasser du bébé, elle est aidée par son nouvel ami Adem. Entre-temps, Aïcha fait la connaissance de Sofiane, un émigré qui décide de rentrer au bled pour se marier et emmener avec lui une fille du même village en France car partageant les mêmes traditions et culture, croit-on. La femme, toujours la femme, le cinéma tunisien s'avère en être obsédé. Fin décamètre, il annonce les velléités du changement tout en stigmatisant les vieux clichés qui ont la peau dure dans le Monde arabe. Aïcha se heurte à l'esprit obtus de Sofiane qui veut l'enfermer de nouveau dans un trou... Tradition contre modernité? Le film de Moaez Kamoum appose une réflexion somme toute rabâchée sur l'idée de l'évolution des mentalités et l'émancipation de la femme dans la société arabe et maghrébine. Tout en subtilité, le film traversé par quelques moments de poésie surannée, met en scène des êtres qui se cherchent. Le film ne juge pas mais décrit pourtant une réalité bien connue et ce, partant du regard sensible du réalisateur sur la société tunisienne qui, en dépit de sa pseudo-ouverture, reste encore ployant sous le poids des traditions quoi que l'on dise. Le réalisateur tunisien a donc choisi de parler de sa société partant du versant de la femme, qui constitue souvent dans les pays arabes, le moteur sinon un grand indice de progrès. Les paysages de ce village tunisien sont en outre magnifiques. Ils sont les prémices à un calme rassérénant qui cache bien des malaises. L'artiste aussi, représenté par cet homme obsédé de poésie est le symbole de sa marginalisation, bien que ce dernier semble un peu mou et perdu. Il n'a d'yeux que pour les mots, tandis que sa femme le trompe pendant son absence. L'image de la tromperie est souvent montrée comme un signe de tabou et d'hypocrisie dans la société arabe. Mais elle en devient presque une caricature. Enfin, pour info, le Festival du film arabe a choisi cette année d'organiser deux conférences. La première a eu lieu avant-hier à la cinémathèque d'Oran et portait sur la critique cinématographique. Elle était animée par d'éminents critiques arabes. On cite Safaa El Leithi Hadjadj d'Egypte, Mahrez Karoui de Tunisie, Khalil Damoun du Maroc, Ramadan Salim de Lybie et Ali Akabani de Syrie.