Les quelque 6,7 millions d'inscrits (sur environ 15 millions d'habitants), doivent tourner la page du putsch, qui avait renversé le président Mamadou Tandja après dix ans de pouvoir et une grave crise. Les Nigériens sont appelés aux urnes lundi pour renouer avec un régime civil et se choisir un nouveau président investi d'une lourde mission: combattre la pauvreté dans l'un des pays les plus déshérités au monde, désormais, sous l'ombre envahissante d'Al Qaîda. En quelques années, ce vaste pays enclavé au coeur du Sahel est devenu l'un des points chauds de la planète. La faute à Al Qaîda au Maghreb islamique (Aqmi), qui y a multiplié les enlèvements d'Occidentaux. Mais le coup le plus dur est venu, il y a trois semaines, avec le rapt de deux jeunes Français en plein centre de la paisible Niamey, une première. Les otages ont été tués lors d'un sauvetage manqué mené avec la France en territoire malien. Le chef de la junte au pouvoir depuis le coup d'Etat du 18 février 2010, le général Salou Djibo, a promis une stratégie révisée face aux «terroristes». «La sécurité n'a pas de prix», a-t-il assuré. Mais le Niger reste démuni face à une menace qui touche toute la bande sahélo-saharienne, et les promesses des candidats ne semblent pas pouvoir y changer grand-chose. Des drapeaux et des portraits géants des prétendants aux carrefours, des militants qui bravent l'harmattan, un vent du Sahara, pour convaincre les indécis autour d'un thé: la capitale baigne toutefois depuis quelques jours dans l'ambiance festive de la campagne électorale. Les quelque 6,7 millions d'inscrits (sur environ 15 millions d'habitants), doivent tourner la page du putsch, qui avait renversé le président Mamadou Tandja après dix ans de pouvoir et une grave crise née de sa volonté de se maintenir au-delà de son second et dernier quinquennat légal. Plutôt bien accueillie par la population, et profitant vite de la bienveillance internationale, la junte militaire a tenu jusque-là certaines de ses promesses les plus importantes, à commencer par celle-ci: aucun de ses membres ne se présente lundi. Après un probable second tour le 12 mars, le nouveau président civil doit être investi le 6 avril. D'ores et déjà, la transition a permis l'adoption fin 2010 d'une nouvelle Constitution et la tenue d'élections locales le 11 janvier. Ces municipales augurent-elles de la présidentielle comme des législatives prévues aussi lundi? En tête avec son Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (Pnds), l'opposant historique Mahamadou Issoufou l'espère. Mais trois hommes font aussi figure de favoris, parmi les dix candidats: Seini Oumarou, héritier de M. Tandja et chef du Mouvement national pour la société de développement (Mnsd), parti de l'ancien président; Hama Amadou, autre ex-Premier ministre du chef d'Etat déchu; enfin Mahamane Ousmane, premier président démocratiquement élu au Niger, en 1993. Ces trois-là ont créé la surprise cette semaine en concluant une alliance en vue du second tour. Objectif: contrecarrer M.Issoufou et rassembler leurs forces pour des législatives à l'issue incertaine, après le rejet de nombreuses listes pour des problèmes d'organisation. Longtemps, la plupart des candidats ont d'ailleurs misé sur un report des échéances de lundi, mais ont dû se faire une raison devant le «niet» du général Djibo. Dans cette ex-colonie française, les rivaux ont affiché les mêmes ambitions: combattre la pauvreté frappant 60% de la population, parer aux crises alimentaires cycliques comme celle de 2009-2010, assurer une répartition «équitable» des revenus, notamment de l'uranium dont le pays est l'un des plus grands producteurs mondiaux. Mais devant pareils défis, et après 50 ans d'une indépendance secouée par les coups d'Etat, les électeurs hésitent entre espoir et scepticisme à l'égard de candidats se partageant les premiers rôles depuis deux décennies, tandis que le septuagénaire Tandja suivra la compétition depuis sa prison. Et dans un taxi cahotant ou le tumulte d'un marché, il n'est pas rare ces temps-ci d'entendre un Nigérien dire: «Si cette fois, ça ne marche pas, on rappelle les militaires!»