«Ces squats rappellent l'offensive collective menée par des centaines de personnes sur le centre-ville d'Oran dès les premières minutes de l'Indépendance.» Les squats, tous azimuts, se poursuivent de plus belle dans une wilaya baptisée deuxième capitale du pays. «Une véritable saignée est causée aux fermes agricoles et aux logements sociaux, c'est devenu un nouveau mode d'expression et de protestation», a déploré un cadre de la wilaya. Une véritable frénésie s'empare des squatteurs. En effet, des dizaines de citoyens accaparent des espaces importants qu'ils se répartissent en petits lots. Dimanche soir, des dizaines d'hommes munis de leurs bardas et paquetages se sont rués sur un important lot de terrain sis dans le douar Boudjemaâ. Ces derniers ont été appuyés par des courtiers qui ont promis la régularisation administrative des terres squattées contre le versement de somme d'un montant de 7000 à 10.000 dinars. D'autres ont, selon des témoignages, procédé à la vente, à 3000 DA le mètre carré, des terrains appartenant aux domaines. Au total, ce sont près d'une cinquantaine de personnes qui se sont partagé un terrain vague en 200 lots», apprend-on des sources proches du dossier. Quelques jours auparavant, des dizaines d'hommes ont envahi un grand espace dans le lieu-dit Rocher relevant du secteur urbain de Bouamama tandis que plusieurs autres se sont installés, sans fléchir, dans la ferme agricole du quartier Chteibo, rattachée administrativement à la commune de Sidi Chahmi. Le même comportement a été observé dans la commune de Misserghine (ouest d'Oran) où plusieurs dizaines d'hommes se sont emparés des logements sociaux pourtant en chantier. Dans les quatre cas de figure, les autorités locales ne sont pas restées les bras croisés. Quant aux assaillants, ils ont affiché un niet catégorique pour évacuer les lieux expliquant, violemment, qu'ils ont été marginalisés et exclus à plusieurs reprises des listes des bénéficiaires des logements. Dans la commune de Misserghine, la demande de logements est tellement forte que les responsables locaux n'arrivent plus à contenir la colère des squatteurs faute d'offre. Près de 200 logements sont en cours de réalisation, apprend-on. Pour leur part, les éléments de la Gendarmerie nationale sont, contre toute attente, débordés ces derniers jours, suivant de près l'évolution des attaques répétées ciblant des biens vacants appartenant à l'Etat. «La Gendarmerie nationale est mobilisée sur plusieurs fronts; plusieurs enquêtes, qui sont ouvertes, aboutiront inéluctablement, à la mise à plat de tous ces semeurs de troubles dont principalement les instigateurs et les commanditaires des délits commis sur les biens de l'Etat», a-t-on indiqué ajoutant que «de tels comportements seront sévèrement réprimés tout en chassant les squatteurs». En somme, ces histoires des squats opérés ces derniers jours, rappellent la grande offensive collective menée par des centaines d'hommes, femmes et enfants, sur les commerces et les appartements situés dans le centre-ville d'Oran, dès les premières minutes qui ont suivi le départ des colons en 1962. Des dizaines d'immeubles sont, en un laps de temps court, devenus des propriétés privées d'où la source de dégradation actuelle et les menaces d'effondrement faute d'entretien. «Ils sont venus de toutes les villes et villages de l'ouest du pays, des dizaines d'individus se sont autoproclamés propriétaires légitimes et indétrônables des biens laissés par les colons et les pieds-noirs», se souviennent encore les vieux ajoutant qu'«à cette date, même des caves et des terrasses des bâtiments n'ont pas été épargnées par le flux considérable». La wilaya d'Oran et ses habitants de souche ont, donc, depuis l'indépendance, vécu, sans aucune résistance, deux exodes ruraux importants. Le premier remonte aux premiers jours de l'Indépendance. Dans la folie d'alors, des centaines de familles ont ciblé El Bahia en quête d'un travail permanent et d'un logis décent. Le deuxième est causé par le terrorisme, des centaines de familles qui ont fui les zones d'insécurité, se sont repliées dans les pourtours de la ville d'Oran en s'installant dans des bidonvilles aux conditions précaires.