Tout le monde les montre du doigt, mais personne ne parle de leurs problèmes. Difficile d'être maire dans un pays où les moyens de recours sont presque inexistants. Les maires algériens sont souvent la cible privilégiée des critiques des citoyens. Ils subissent d'énormes pressions dans l'exercice de leur fonction. Leur cauchemar au quotidien: comment affronter continuellement des centaines de mécontents qui viennent se plaindre ou fermer tout simplement le siège de l'APC, quand dans le même temps,les autres élus ne décident pas de lui retirer leur confiance ou de le poursuivre en justice. Ils sont le souffre-douleur de la société. «Le maire est entre le marteau du pouvoir et l'enclume de la société», résume Mohand Boukhetouche, président de l'APC de Souamaâ, une commune dans la wilaya de Tizi Ouzou. En fait, ces élus locaux sont des victimes collatérales du manque de confiance entre l'administration et les citoyens. Selon un décompte révélé il y a quelques semaines par les services de la gendarmerie et repris par la presse nationale, ces deux dernières années ont connu près de 11.000 manifestations qui ont été menées en 2010 à travers les 1541 communes du pays. Les manifestants s'en prennent aux maires sans retenue les accusant de ne pas tenir leurs promesses faites lors des campagnes électorales. Mais, en général, ils sont souvent dépassés car, même si les revendications des populations concernent le territoire de leur circonscription, leur satisfaction ne relève pas nécessairement de leurs prérogatives. «Tout le monde nous montre du doigt, mais personne ne songe à parler de nos problèmes quotidiens en tant que tel, mais aussi en tant que citoyens», déplore un maire en Kabylie. Sur le plan politique, les maires subissent une triple pression: exclusion pure et simple, manque de prérogatives et risque de «complot» fomenté par leur aAssemblée. Le projet de Code communal sera débattu incessamment à l'APN sans eux. Ils ne sont ni consultés ni associés. Leurs prérogatives sont beaucoup plus réduites comparativement à celles de l'administration et le chef de la daïra peut rejeter les décisions prises lors de l'Assemblée. Le retrait de confiance des élus est un autre problème auquel sont confrontés les maires. Depuis les municipales de 2007, des dizaines de maires se sont vu retirer la confiance par leurs collègues. Parfois, ils sont victimes de la conspiration de leurs pairs. Ainsi, le maire de la commune de Béjaïa risque de voir venir son tour dans ce cadre. Les élus FNA, PT et RND lui ont demandé de démissionner. A défaut, il ne leur reste que le retrait de confiance. Par ailleurs, les poursuites judiciaires ne sont pas en reste, des entraves qui constituent des sources de pression sur les maires qui sont susceptibles, plus que quiconque, d'être impliqués dans des affaires de corruption. Selon certaines sources, quelque 450 maires ont été poursuivis en justice en 2002 et 2007 alors qu'ils sont plus de 800 à l'être depuis 2007. Certains d'entre eux ont été poursuivis suite à des lettres anonymes les accusant de malversations et de corruption. «Il est anormal qu'un président d'APC se retrouve devant la justice suite à une lettre anonyme», dénonce Mouhib Khatir, président de l'APC de Zéralda (Alger), dans un entretien accordé au journal en ligne TSA. Ce 7 mars 2011, c'est au tour du président de l'APC de Tizi Ghenif, dans la région de Drâa El Mizan, d'être placé sous contrôle judiciaire pour attribution de marchés publics sans respect des procédures légales. La problématique des salaires reste encore posée pour les maires qui demandent un salaire décent. Pour porter toutes ces doléances sur la voie publique, donc au grand jour, les présidents d'APC envisagent l'organisation d'une marche dans la capitale. Cette situation n'inquiète apparemment pas les officiels. Bien au contraire, les présidents d'APC, sans pouvoir, sont en permanence appelés à discuter avec les citoyens pour satisfaire leurs doléances. Or, les maires n'ont même pas la prérogative de gérer un projet de gaz de ville dans leurs communes. Le président de l'APN a même osé cette déclaration, le 2 mars dernier, lors de l'ouverture de la session de printemps du Parlement: «Les élus doivent prendre conscience que la participation massive des citoyens aux consultations électorales est assujettie à leur propre efficacité (...) laquelle participation ne peut être atteinte que si les élus auront prouvé leurs capacités à assumer leurs prérogatives.» Ce que les maires contestent fortement, mettant en avant les limites de leurs prérogatives en la matière.