Parce qu'ils ont, un jour, quitté leurs villages assiégés par les terroristes, ils se retrouvent aujourd'hui à l'écart de la société. On peut les voir à Djibolo, Larbaâ, Tabrent, aux contreforts de Blida, à la périphérie de Médéa, Relizane, Jijel, Chlef ou Aïn Defla. Ils sont près d'un million cinq cent mille citoyens algériens à avoir fui hameaux et villages pour aller se greffer dans des mansardes de fortune, à la lisière des grandes villes. Pour la seule ville de Djelfa, la wilaya a «grossi» du simple au double, et est passée - entre 1993 et 1998 - de 100.000 à 200.000 habitants, rendant, de fait, la tâche des gestionnaires locaux quasiment impossible. Le même constat peut être établi pour les villes de Chlef, Aïn Defla, Khemis Miliana, Ténès, Mascara, Saïda, Collo, Jijel, Skikda ou Tissemsilt et en termes de chiffres, il s'agit là de centaines de milliers de personnes dont les autorités arrivent difficilement à maîtriser le flux et le mouvement. Dans une optique d'élection - puisqu'il s'agissait de rentabiliser ces voix lors des élections locales et de wilayas - ces «exilés» des urnes n'avaient pas, dans la grande majorité des cas, intégré le cadre social de leur résidence d'origine. Souvent, ils sont marginalisés, vivant de façon indigente et fermés sur eux-mêmes, à l'écart des agglomérations urbaines et loin des enjeux de la cité. Parfois, si une famille possède des appuis influents, l'intégration peut se faire et la famille a des chances alors de bénéficier d'un logement décent. Mais cela reste l'apanage de quelques rares privilégiés... Dans les seules villes du centre du pays, près de 800.000 personnes ont abandonné leurs habitations d'origine, pour des raisons sécuritaires. 300.000 à Blida et Médéa et presque autant à Boumerdès, Tipasa et Bouira. A moins de 30 minutes d'Alger, vous pouvez déjà apprécier l'hécatombe. Des villages entiers situés à la lisière de la capitale ont été abandonnés par la plupart de ses habitants: Larbaâtache, Bouzegza, Belaâouadi, Ouled Ali, Boukhanfar, Si Mustapha («La carrière»), etc. gardent encore les vestiges de leurs occupants partis on ne sait où.