Les quelque deux semaines, que durera le festival, suffiront sans doute, pour avoir à travers ce véritable kaléidoscope cinématographique, une idée sur l'état du monde. La question revient tel un leitmotiv sur les lèvres des festivaliers, chaque année que Dieu fait: «La cuvée de cette année, sera-t-elle aussi bonne que celle annoncée sur le papier?» A vrai dire, voilà plus de quelques décades que le buzz n'a pas fonctionné à Cannes de manière aussi intense que l'année de Paris Texas (Wim Wenders), Apocalypse Now (F.F. Coppola), etc. Sauf que dès la traditionnelle conférence de presse, en avril, à Paris, il n'y avait de mots que pour La Conquête, du Français Xavier Durringer, dont la star n'est autre que l'actuel locataire de l'Elysée, Nicolas Sarkozy! S'il n'était pas hors compétition, ce film aurait sans doute valu à Denys Podalydès, le Prix d'interprétation masculine; en tout cas il en aurait fait un concurrent sérieux, pour cette distinction. Pour dire à quel point la performance de ce grand comédien, plus habitué à la Cour d'honneur du Festival d'Avignon qu'à la montée des marches de la Croisette, qui aura accompli un numéro d'équilibriste de haute volée et qui va faire grincer, plus d'une fois, les dents, de «Sarko». A un autre niveau, Bernard Lecoq dans le rôle du Chirac, qui tire sur tout ce qui bouge et qui fait un carton de Nicolas, va aussi emporter l'adhésion de plus d'un. Les organisateurs ont tenu à souligner l'absence de pressions élyséennes, quant à la programmation de ce film. Est-ce une façon de dire qu'ils sont passés outre, sinon pourquoi évoquer quelque chose qui n'était pas censée se produire?...Dans le même registre, le lapsus commis par l'ancien ministre des Affaires étrangères de Mitterrand, Roland Dumas, la semaine dernière, sur la deuxième chaîne française, ilustrerait bien, si besoin en était, le sujet qui agite ces derniers temps, le landerneau parisien. En effet, questionné sur Ben Laden, Dumas a fait cette déclaration, ahurissante, au premier abord: «On va dire que Woddy Allen est toujours vivant! Qui a vu Woody Allen mort dans cette histoire?». Pour l'anecdote, le cinéaste new-yorkais fera l'ouverture, ce soir, du 64e festival avec Midnight in Paris où trône en guest star la» First lady» frenchy, Carla Bruny-Sarkozy... D'où l'amalgame opéré par le «fichier» de Dumas... Toujours dans le registre des «Guest», le pays invité cette année, et pour la première édition de cette section, est l'Egypte, hommage justifié à double titre, d'abord par le fait que Oum Eddounia a été la pionnière du cinéma arabe, et ensuite pour sa récente révolution populaire qui a mis fin au règne de l'oligarchie en place. Sauf, étrangeté festivalière, qu'aucun film de Youssef Chahine, lauréat du Prix du 50e Festival, ne semble prévu au programme! Pour le reste, les quelque deux semaines, que durera le festival, suffiront sans doute, pour avoir à travers ce véritable kaléidoscope cinématographique, une idée sur l'état du monde. Et sur le nombre sans cesse croissant de pays émergents qui ont compris que le poids de l'image est aussi important que celui de la diplomatie... Enfin et à propos de diplomatie, Serge Moatti, qui fut un temps l'officiant en chef de l'image mitterrandienne, et anniversaire du 10 mai 1981 oblige, montrera sa dernière oeuvre, celle ayant trait à l'homme qui a traversé le siècle, en fin manoeuvrier et qui devint le premier président de gauche de la France... L'héritier de Léon Blum et Mendès France, sera donc à la fête sur la Croisette, même si l'assaisonnement sera genre «salé-sucré». Et ce, en attendant les révélations sur sa position à l'égard de la peine capitale en Algérie, durant la colonisation, et surtout sur sa position, en tant que vice-président du Conseil de la magistrature, à propos du cas de Ahmed Zabana, celui qui deviendra le premier militant de la cause nationale, guillotiné par le pouvoir colonial. Tout cela figurera, de manière inédite, dans le prochain film algérien sur la guerre de Libération nationale Zabana!.