Le monde entier a, aujourd´hui, le regard braqué sur les Etats-Unis où se déroule une importante consultation électorale: la désignation du 44e président des Etats-Unis d´Amérique. Plus qu´un événement, ce scrutin est déjà historique par la présence d´un Afro-Américain dans le finish pour la Maison-Blanche. Plus de deux siècles après George Washington, un Noir se trouve aux portes du mythique bureau Ovale du pouvoir américain. Rien que de ce point de vue, même si Barack Obama échoue au port, l´élection présidentielle de 2008 aura, néanmoins, fait faire un bond qualitatif extraordinaire à la pensée libérale américaine, fondée sur le sacro-saint postulat que le président américain ne peut venir que de la communauté «Wasp (White anglo-saxon protestant)», autrement dit un Blanc d´origine anglaise (premiers colons qui ont structuré les fondements de la démocratie américaine) et protestant de surcroît. Lors de son investiture à la présidence américaine le 20 janvier 1961, le principal grief fait à John Fitzgerald Kennedy avait été celui de ne pas appartenir à la communauté Wasp et de ne pas être protestant (il est catholique d´origine irlandaise). A l´évidence, plus que Kennedy, Obama n´est ni blanc, ni anglo-saxon, ni protestant. Aussi, le choix du sénateur de l´Illinois comme 44e président des Etats-Unis constituera en fait une véritable rupture culturelle pour un pays longtemps immergé dans la croyance de la toute-puissance d´une race par rapport à l´autre. Cela est d´autant vrai, que le terme «Wasp» lui-même - détourné par les extrémistes du KKK (Ku Klux Klan, extrême-droite américaine) et par les groupes néonazis - n´a plus le même sens et la même connotation et signifiant que lui donnaient ceux qui s´en revendiquaient à l´aube de la fondation de la Fédération américaine. Le KKK, ou «Klan», est une organisation de défense des intérêts de «petits blancs» nimbés de préjugés traditionalistes qui ont une vision xénophobe des personnes et des choses. Plus que la personnalité du candidat démocrate, duquel il est beaucoup attendu pour impulser le «changement» aux Etats-Unis, c´est d´abord, sans doute surtout, l´aspect ethnique qui l´emporte, car il marque une grande évolution dans l´approche faite aujourd´hui par les nouvelles générations américaines de la question raciale. L´engouement de la jeunesse américaine pour le candidat démocrate illustre parfaitement cette mutation en profondeur de la relation qu´a le citoyen américain d´aujourd´hui avec ses origines ethniques. Cette mutation est importante pour les Etats-Unis car elle reflète mieux un pays multiethnique et multiculturel où cohabitent catholiques et protestants blancs, mais aussi juifs et musulmans, hispaniques, noirs et descendants des Amérindiens. L´époque où la ségrégation raciale avait eu pignon sur rue n´est pourtant pas loin. Un président noir à la Maison-Blanche? Même Martin Luther King, l´infatigable militant des droits civiques des Noirs et pour l´égalité entre les races (il a été assassiné en 1968) - qui, dans un mémorable discours, devant le Lincoln Memorial, prononça son fameux «I have a dream» (J´ai un rêve) - n´en espérait pas tant: voir un président noir à la tête des Etats-Unis. Ce voeu à peine esquissé, sans doute jamais pensé par Martin Luther King, le peuple américain pourrait décider aujourd´hui de lui donner corps et pertinence en envoyant Obama à la Maison-Blanche. Un fantastique saut qualitatif qui réconciliera les Américains avec eux-mêmes.