De notre envoyé spécial à Washington Moumene Belghoul
A la veille du scrutin historique du 4 novembre, qui pourrait porter un président noir à la Maison-Blanche, l'opinion publique américaine semble se braquer littéralement sur l'événement. Mais rares sont ceux qui dévoileront de façon tranchée leur choix déjà fait durant les élections anticipées (autres particularités américaines) ou qu'ils s'apprêtent à effectuer dans l'isoloir demain. Il est difficile de ce fait de tenter un quelconque pronostic tant l'anxiété généralisée est perceptible. Ici, à Washington, capitale des Etats-Unis, d'habitude résolument démocrate, l'heure est à l'expectative. Cette année, l'élection présidentielle ne ressemblera à aucune autre de par le passé. Mais, à bien y regarder, il s'avère perceptible qu'une volonté de changement est affichée après deux mandats républicains particulièrement désastreux. Des affiches et autres effigies du sénateur de l'Illinois sont visibles un peu partout à Washington. Ce qui est loin d'être le cas pour son concurrent John McCain. Au dernier week-end d'une campagne considérée comme unique dans l'histoire des Etats-Unis, les deux candidats à la Maison-Blanche semblent toujours y croire. Leur engagement dans la dernière ligne droite est symptomatique d'une confiance aveugle en la victoire. Le cas de McCain, en retard sur son rival dans les prévisions, clamant «nous allons gagner !» à la face de ses partisans, est assez éloquent. Barack Obama poursuit la course en tête face à un McCain à la peine à la fois selon les sondages nationaux mais aussi dans les Etats clés. Mais craignant un excès de confiance dans ses rangs, le sénateur de l'Illinois ne cesse de rappeler à chacun de ses meetings qu'il est trop tôt pour baisser la garde, «pas un seul jour, pas une seule minute». La présidence américaine se gagne Etat par Etat, système électoral particulier oblige. Mais, en attendant, une question lancinante reste en suspens. L'Amérique est-elle prête à élire un Afro-Américain comme président ? «Absolument et plus que jamais», opine Lavelle Jones, réceptionniste au District Hôtel en plein cœur de Washington. «L'arrivée d'Obama à ce niveau de la compétition politique n'est pas fortuite», dira-t-elle. C'est aussi l'avis d'un vétéran de la Seconde Guerre mondiale rencontré au Lincoln Mémorial qui parlera lui du besoin du «pays de la liberté» de retrouver sa propre liberté après des «errements» qui ont duré toute la période George W. Bush. Seulement, la hantise de la question raciale continue à représenter la grande inconnue de la présidentielle américaine de 2008. 50% des débats médiatiques tournent autour de la question. A Washington, cœur politique des Etats-Unis, on décline plus volontiers sa préférence pour le candidat Obama que pour le sénateur de l'Arizona, moins populaire. Indubitablement, l'élection d'un citoyen issu d'une minorité à la tête des Etats-Unis pourrait constituer un événement de taille. Assurément, le choix d'un Démocrate, noir et jeune, marquerait une coupure radicale politique mais aussi culturelle avec une idéologie républicaine en faillite. A la veille d'un scrutin capitale à la symbolique forte dans son histoire particulière, l'Amérique retient son souffle.