La protesta contre la réforme des retraites en France a pris ces dernières quarante-huit heures un nouveau tournant. Les grèves et les manifestations de masse qui se multipliaient à travers la France ont induit la radicalisation du bras de fer entre les syndicats et le gouvernement du président Sarkozy. Or, l´enjeu de ces réformes est crucial pour Nicolas Sarkozy qui en fait l´objectif majeur de son quinquennat. Un chantier que le président Sarkozy éprouve toutes les peines du monde à faire avaliser aux Français et admettre par les syndicats. En voulant faire passer frontalement sa réforme des retraites - recul de l´âge légal de départ à la retraite de 60 ans à 62 ans d´ici à 2020 - M.Sarkozy, alors même qu´il bat (à moins de deux ans de la présidentielle de 2012) tous les records français d´impopularité, semble avoir mésusé de la volonté des Français à ne pas voir remis en cause l´un de leurs acquis le plus précieux: la retraite à 60 ans. De fait, malgré les perturbations que les manifestations et les grèves occasionnaient à leur vie quotidienne, une majorité de Français (59% selon les sondages) soutient néanmoins le mouvement de protesta qui en était, hier, à sa sixième journée depuis le début du mois de septembre. En fait, par les réformes engagées par petites touches (celui des retraites en étant le chantier majeur), depuis son arrivée à l´Elysée en mai 2007, Nicolas Sarkozy s´est attelé à remodeler le système social français. Un système tout à fait différent de celui des Anglo-Saxons pour lequel le président français ne cache pas son admiration et qu´il veut imposer en France. C´est-à-dire la remise à l´ordre du jour de l´ultra- libéralisme et son corollaire, le désengagement partiel ou total de l´Etat de certains secteurs stratégiques comme la santé, l´éducation... qui relèvent largement, outre-Atlantique, du privé. Mais pas que cela! Le tournant ultra libéral mis en chantier par Nicolas Sarkozy a en fait débuté dès son arrivée à l´Elysée où il commença à «taper» sur les immigrés, reprenant à son compte l´antienne de l´extrême droite lepéniste. Cette mise à l´index des émigrés a été rapidement concrétisée par la création d´un ministère de «l´Identité nationale et de l´Immigration». Allant encore plus loin, il a fait adopter, en septembre dernier, par le Parlement, la déchéance de la nationalité française pour tous les Français naturalisés, depuis moins de 10 ans, condamnés pour meurtre d´agents dépositaires de l´autorité publique. Cette mesure a certes été décriée par les Français, mais elle est devenue, en tant que loi, une épée de Damoclès sur la tête des émigrés. La réforme des retraites n´est que l´un des aspects, le plus visible, de la France élitiste que Nicolas Sarkozy veut imposer aux Français. Ces derniers savaient sans doute ce qu´ils faisaient en envoyant Sarkozy à l´Elysée - un partisan convaincu de l´élitisme et du libéralisme à outrance - alors que d´aucuns connaissaient déjà sa disposition à mépriser ceux (les émigrés et/ou les gens du voyage) qu´il n´a pas hésité à appeler «racaille» à une époque où il était en charge du ministère de l´Intérieur. De fait, c´est sur son instruction que des centaines de Roms (originaires de Bulgarie et de Roumanie) ont été expulsés de France cet été, mettant Paris en porte-à-faux par rapport au droit international et aux règles de l´Union européenne, laquelle a fermement condamné ces expulsions. Admirateur de l´ancien président américain, George W.Bush, Nicolas Sarkozy est donc venu avec un programme politique et social aux antipodes de la France traditionnelle, remettant en cause le particularisme social français. C´est une France «sélective» opposée à l´humanisme traditionnel hexagonal - qui donna au monde la Déclaration universelle sur les droits de l´Homme - que M.Sarkozy veut ainsi construire. Avec tous les dégâts qui en résultent, plongeant la France dans la tourmente.