Radicaux en Tunisie et en Egypte, les mouvements pour le changement investissent peu à peu la rue arabe réclamant la liberté, la restauration de tous les droits, la participation plus active des peuples aux affaires de leurs pays. Sanaa, Amman, Damas étaient en effervescence ces derniers jours, où des marches massives ont redonné la parole à des peuples longtemps muselés par des dictatures qui ont monopolisé tous les moyens d´expression réduisant leurs peuples à des faire-valoir, bons à les entériner, par fraudes interposées, à leurs postes. Des peuples qui plient sous le joug qui reconduisent, avec des 90%, leurs tortionnaires. Normal? Mais, ces façades de légalisme se fissurent sous les coups de boutoir des révoltes populaires que la répression est devenue impuissante à faire taire. Peut-on en effet, faire taire un peuple qui retrouve cette ivresse du dire? Certes non, d´autant plus que les pouvoirs en place dans les pays arabes n´ont jamais fait cas de leurs populations assimilées à des masses manipulables et corvéables à merci. De fait, les autocrates arabes se sont tellement identifiés à l´Etat que chaque chef d´Etat et/ou souverain arabe ne craint pas d´affirmer «l´Etat c´est moi!», sans risquer de se faire désavouer par son peuple, mis sous le joug. Eu égard à leur récente réaction face à l´épreuve de la colère populaire, ces hommes de pouvoir donnaient l´impression de ne pas comprendre que leurs peuples puissent seulement avoir eu la pensée d´oser leur demander de partir. Il en est ainsi de Moubarak selon lequel son départ «plongerait le pays dans le chaos» alors même qu´aujourd´hui le chaos c´est lui qui le fomente et l´entretient, afin de conserver indéfiniment un pouvoir qui lui échappe peu à peu. Mais pas seulement Moubarak, mis par son peuple sur la trajectoire de Ben Ali, chassé de Tunis. De fait, le règne de ces deux despotes, qui ont, ou ont eu, maille à partir avec leurs peuples, représentent la copie conforme que l´on retrouve dans l´ensemble des pays arabes, sans exception, gouvernés par des régimes absolutistes qui agissent sans état d´âme. Face à la révolte de leurs peuples, tous feignent l´étonnement, «ils sont logés, mangent, travaillent, que veulent-ils de plus?» s´interroge-t-on d´Alger à Sanaa en passant par Le Caire, Rabat, Damas, Tunis, Khartoum...C´est la même tautologie qui est ainsi reproduite, de l´Atlantique au Golfe, les pouvoirs en place estimant n´avoir pas de compte à rendre ni, a fortiori, justifier de leurs actions devant leurs peuples. Que veulent-ils donc de plus que ce que, magnanimes, leur offrent ces «hommes éclairés» qui savent mieux que quiconque «ce qui convient au(x).peuple(s)?». Dixit le Raïs égyptien. La démocratie? la liberté d´expression? les droits de l´homme? Allons donc, «ce n´est pas de notre tradition, ni conforme à notre culture». Or, tout est là: que proposent les autocraties arabes à leurs peuples en échange? Excusez du peu: insécurité, pauvreté, corruption, népotisme, désenchantement, tout cela sur fond de nouvelles dynasties et héritages «monarcho-républicains» se mettant alors en place. Suivant l´exemple du défunt président syrien, Hafez Al Assad, Hosni Moubarak, Ali Abdallah Saleh (Yémen) Mouamar El Gueddafi préparaient leurs héritiers à prendre la relève. Aujourd´hui, deux d´entre eux se sont rétractés, affirmant la main sur le coeur - le contraire aurait été étonnant - que ni Gamel (Moubarak), ni Ahmed (Saleh) ne seront candidats à leur succession et bien sûr, eux, ne cherchent pas à être reconduits. Le troisième ne dit rien! Dans des pays où il y a carence de démocratie, ou est-elle évoquée en pointillé, quand l´injustice, mère de tous les abus, est maîtresse des lieux, il faut toujours s´attendre à ce que quelque part, cela explose. Aussi, les replâtrages engagés ici et là dans les pays arabes, demeurent largement insuffisants pour répondre à cette soif de liberté exprimée et exigée par la rue arabe.