Conscients de la gravité de la situation, les délégués «radicaux» seraient favorables à une solution politique. La Kabylie s'apprête à renouer avec la contestation de rue après la fin du mois de ramadan, selon des informations recueillies sur place à l'occasion de la célébration de la fête de l'Aïd El-Fitr. Cette reprise des hostilités, pour exiger la satisfaction «pleine et entière» de la plate-forme d'El-Kseur et la libération des délégués et émeutiers détenus, aurait un rapport avec l'initiative prise récemment par le pouvoir de dépêcher des émissaires auprès des délégués influents du mouvement citoyen, durant le mois de jeûne écoulé. Ces derniers, rappelons-le, ont sillonné les principales villes des wilayas de Béjaïa, de Tizi Ouzou et de Bouira en vue de donner une consistance à l'initiative prise, en septembre, par 13 ex-délégués «dialoguistes» d'interpeller le pouvoir pour accélérer le processus devant permettre de désamorcer la bombe. Cette volonté subite d'apaisement de la situation en Kabylie n'est également pas étrangère à l'apparition de foyers de tension dans d'autres régions du pays, notamment à l'est, dont le but inavoué serait d'embraser tout le pays. De leur côté, des observateurs avertis se demandent si les troubles annoncés pour l'après-ramadan n'auraient pas pour objectif de durcir la protestation citoyenne après un mois sacré qui a inhibé la mobilisation citoyenne jusque dans les actions de dissidence tel le non-paiement de la facture de Sonelgaz dont le taux ne dépasserait pas les 30%. Pis encore, les sit-in organisés dans les wilayas de Tizi-Ouzou et de Béjaïa le jour de l'Aïd n'ont pas eu l'effet escompté. Cela risquerait de porter un sacré coup à l'organisation, le 10 décembre prochain, d'un sit-in devant le siège du bureau de l'ONU à Alger. Conscients de la gravité de la situation, les délégués «radicaux» seraient favorables à une solution politique, mais ils continuent à exiger que le pouvoir politique se prononce sans ambiguïté sur la question, selon des sources proches du mouvement. Dans ce sens, on parle de la visite prévue dans les prochains jours du chef du gouvernement, M.Ali Benflis dans la wilaya de Béjaïa. Le responsable de l'Exécutif devrait procéder à l'inauguration de la Maison de la culture à la mémoire de Matoub Lounès. Le Chef du gouvernement serait surtout attendu pour faire un important discours qui s'articulerait autour de la réactivation du processus d'application de la plate-forme d'El-Kseur et d'un ensemble de mesures d'accompagnement en guise de gage de bonne volonté. En attendant, derrière les déclarations intempestives des uns et des autres à l'endroit du pouvoir et de l'ambivalence qui entache la gestion du dossier actuellement, un début de décantation commence à se faire dans le mouvement citoyen dans la perspective d'un règlement politique, pacifique et équitable à la crise. C'est une brèche que le pouvoir veut élargir par souci de créer une dynamique citoyenne à même de canaliser les frustration sociales et politiques enregistrées à travers le territoire national. C'est crucial pour l'Algérie qui s'apprête à négocier un virage économique stratégique en 2003, nécessitant la mobilisation de tous ses atouts.