L'universalité est le moteur de cette exposition dont les photos-portraits sont légendées par des écrivains mondialement connus. L'Etablissement arts et culture de la wilaya d'Alger organise depuis dimanche dernier jusqu'au 15 décembre, avec le soutien du Centre culturel français, une exposition rétrospective de sculptures urbaines, à la salle Ibn Khaldoun. Placée sous le thème «Maquettes, prototypes et fragments: 10 ans de sculptures urbaines, de tissage, de détournements et d'émotions dans les villes du monde», cette exposition est réalisée par la photographe Maryvonne Arnaud et conduite par le «Laboratoire de sculpture-urbaine» de Grenoble. Ce dernier cofondé par le concepteur Philippe Maillon a été crée en 1985. L'exposition en question regroupe une série de photos-portraits en noir et blanc prises dans différentes villes de monde telles Sarajevo, Johannesburg, Abidjan pour ne citer que celles-là où l'espace urbain a été cruellement ébranlé par les guerres, notamment où l'acte de prendre une simple photo - vu le contexte - est particulièrement risqué. Ce Laboratoire où naissent ces oeuvres d'art est une structure artistique qui regroupe un bon nombre d'artistes, d'universitaires et de chercheurs dans le domaine social. «Ce Laboratoire est volontairement spécialisé dans l'art urbain. C'est un travail qui s'effectue en pleine rue, parce que nous souhaitons toucher l'homme de la rue, ce non-public, ce qui veut dire aller dans la rue et chercher les gens», affirme Philippe Maillon et d'expliquer: «Sculpture urbaine veut dire que nous sculptons les villes, nous les bouleversons, nous les modifions, nous en transformons le sens». Aussi, la rue souvent, un terrain de circulation, pour passants et voitures devient découverte, un lieu de curiosité, une halte de convivialité, de rencontre et de croisement entre différents individus comme au musée, au théâtre ou dans une salle de spectacle. Ce Laboratoire sculpture urbaine unique en son genre se fait l'écho des mutations socio-urbaines qui affectent le monde. L'image donne en fait à voir la contemporaineté de ces gens fondus dans les décors...Assemblées l'une à côté de l'autre, ces photos tissent le réseau de l'humanité. Suspendues au plafond ou placées à hauteur humaine, réalisées souvent en grandeur nature, elles nous parlent, nous interpellent. C'est cette diversité multiethnique qui nous saisit d'emblée. Ces photos prises de façon frontale traduisent dans la réalité un vécu, une émotion. «Elles conjuguent les sensibilités identitaires locales», sur les différents continents que ce Laboratoire sillonne (Europe, USA, Afrique...) plus de cinq cents artistes ont été associés à ces projets de sculptures urbaines en légendant ces photos, des écrivains, des musiciens et poètes «universellement» connus tels Tahar Ben Jelloun, Sony Labou Tansi, Jacques Lacarrière, Ismaïl Kadare, Alfredo Jaar, Rachid Koraïchi...Les écrivains racontent une fiction à partir de ces visages, «fabulent» d'où le titre légende attribué à une de ces sculptures urbaines. «Ce Laboratoire associe des écrivains mondialement célèbres parce qu'aujourd'hui dans la mondialisation, il y a un brassage culturel, ethnique, religieux et symbolique très important, une source d'enrichissement fondamentale. L'autre est une richesse avec sa façon de voir le monde qui n'est pas forcément la mienne mais avec laquelle on doit cohabiter, car c'est ça la richesse. Je suis pour cette universalité», souligne Philippe Maillon. Après une formation en sciences politiques puis tourné vers la réalisation de décor théâtral, ce dernier «arrive au monde de la culture par le 4e art» étant attiré par les représentations à caractère social, cette idée d'aller vers le peuple, inspirée de Kateb Yacine. Philippe est vite attiré par l'architecture et l'urbanisme dont il s'emploiera à les rendre très «modulables» de par une vision plastique à but artistique très recherché. Malgré les difficultés rencontrées ici et là, Philippe et Yvonne Arnaud trouvent du bonheur à exercer leur métier qui n'en est plus un, face au processus singulier qui caractérise leur démarche. «Présenter ce projet à Sarajevo qui plus est sans financement a fait que nous avions rencontré énormément de difficultés, mais c'est rien devant la joie de ces habitants qui ne sortaient plus et restaient longtemps à contempler les images», confie M.Maillon. Cet artiste travaille actuellement sur un nouveau projet baptisé Réplique, qui entre dans le cadre de l'Année de l'Algérie en France. Il s'agit de prendre comme matériau un espace défini, le Tunnel de la faculté d'Alger qui va être complètement transformé par un éclairage sophistiqué grâce à des projections d'ombres chinoises. Vont y participer une dizaine d'artistes algériens et une quarantaine du monde entier (Japonais, Chinois, Américains, Sud-Africains...), parmi les meilleurs au monde. Lieux communs est le thème de l'exposition de Maryvonne Arnaud qui entre dans le même registre. Ces deux projets sont labélisés. Face to face est le nom d'une des expos photos de cette photographe réalisée à Johannesburg qui montre la cassure sociale et la détresse d'une frange de la société, une société marquée par la séparation entre les Noirs pauvres et les Blancs, riches. Ces images présentées au même titre que celles d'Echisrolles (Grenoble) ou d'Abidjan en diapositive racontent tout simplement des tranches de vie humaine. Outre le portrait, Maryvonne affectionne également les photos de mains qui sont, pour elle, un symbole de générosité, «très intéressant à regarder». Comme elle a été étonnemment, surprise de voir des fruits comme des bananes et des oranges suspendues au bout d'un fil dans les marchés africains notamment. elle nous restituera ainsi ce décor pittoresque en y collant des miniportraits sur chaque fruit...Véritablement, cette exposition vaut le coup d'oeil ! C'est en effet un voyage à travers les continents et les êtres à ne pas rater.