Quelques interrogations continuent à tarauder l'esprit de tout un chacun. En rejetant les différents appels aux manifestations de rue, initiées par les ârchs depuis le 10 octobre, la population kabyle a-t-elle choisi la voie de la paix? La mobilisation, qui a touché pratiquement l'ensemble des actions des coordinations, est-elle un signe dénotant le mécontentement des citoyens par rapport à la démarche des ârchs? Ce sont là les quelques interrogations qui continuent à tarauder l'esprit de tout un chacun, à la veille d'une énième marche prévue aujourd'hui à Alger. La réussite de cette action, destinée à alerter la représentation onusienne, risque fort d'être compromise non pas par un éventuel empêchement des pouvoirs publics, mais par une défection des délégués. Comparé à l'effervescence qui caractérisait, autrefois, ces grandes manifestations, nombreux, sont les observateurs qui tablent sur «un échec», encore un, qui allongerait la longue «descente aux enfers des ârchs». Si cette analyse se vérifie aujourd'hui, la Kabylie aura définitivement choisi la solution de la crise par le dialogue. Par cette position subtile et intelligente, les citoyens de Kabylie montrent combien ils sont pour les idées et les propositions constructives qui éloignent le spectre de la violence alimentée par la surenchère et les positions politiciennes de certains délégués. Contacté par nos soins alors qu'il s'apprêtait à se rendre à Alger, le porte-parole du CSC d'El-Kseur, qui reste l'unique structure à avoir tenu ses engagements par rapport aux manifestations du jour de l'Aïd, s'est montré très inquiet quant à l'évolution politique qu'a connue le mouvement citoyen depuis le dernier scrutin des locales. Analysant le bilan de l'ensemble des actions entreprises depuis le 10 octobre, Ali Gherbi s'est montré très sceptique. «Le recul des citoyens est né de l'absence de signes de la part du pouvoir pour le règlement de la crise», déclamait-il sur un ton pessimiste avant de poursuivre sur d'autres raisons à l'origine de cette situation «fort inquiétante» notamment «certaines tentatives de récupération du mouvement, dont les auteurs sont clairement identifiés». La figure de proue du mouvement citoyen à Béjaïa s'est montrée très critique à l'endroit du MAK et du RCD qu'il accuse «d'être à l'origine de ce marasme». «Le MAK et les agissements de certains délégués militants connus du RCD piétinent le code d'honneur et les principes directeurs du mouvement», explique-t-il. «Il me reste à vérifier si les chefs de parti sont directement liés à cela», poursuit-il. Cette phrase venant d'Ali Gherbi explique toute la complexité du conflit kabyle que l'homme de la rue semble saisir aisément. Abordant le dialogue comme solution à la crise, notre interlocuteur ne s'est guère montré contre. Bien au contraire, il reproche au pouvoir «le silence observé depuis le 12 mars dernier». «Le Président ne s'est pas prononcé sur la situation depuis son dernier discours», clame-t-il avant de faire état de son inquiétude face à ce qu'il appelle le «remake du faux dialogue», allusion à la dernière initiative sur le terrain. «Les prérogatives de Benflis ont pris fin le 12 mars dernier, et il n'y a eu aucun communiqué de la présidence le mandatant de nouveau», précise Gherbi. En conclusion, notre interlocuteur s'est montré rassurant: «Nous sommes prêts à débattre toutes les revendications pour peu que les autorités (la présidence) fassent preuve d'une réelle volonté de dialogue et d'un règlement de la crise qui satisferait toute l'Algérie.» Entre la position des délégués qui restent largement partagés sur ce sujet, car «obéissant à des considérations purement politiciennes» et le pouvoir qui continue «à mal gérer le conflit, le mérite revient au simple citoyen qui a su, à la longue, refuser de devenir l'otage d'un conflit qui a fini par confirmer tous les doutes qui ont vu le jour à la suite de sa persistance».