L'année 2002 qui s'achève a été marquée par la persistance des pesanteurs structurelles qui empêchent l'économie algérienne de prendre pied dans le marché mondial. Hormis l'approche et l'accélération des négociations pour l'adhésion de l'Algérie à l'OMC et la confirmation des performances positives du secteur de l'énergie, notamment le maintien des recettes d'exportation des hydrocarbures à près de 18 milliards de dollars en 2002, tenant ainsi les engagements pris dans le cadre de la loi de finances 2002, ainsi que la signature de 13 contrats d'exploration pour un montant de 1,3 milliard de dollars et, enfin, la découverte de cinq nouveaux gisements dont un en association avec un partenaire étranger, les tentatives répétées de fouetter l'activité économique n'ont pas encore donné les résultats escomptés. Certes, au chapitre des réformes structurelles il a été enregistré la promulgation d'un nouveau code des marchés publics introduisant les normes mondialement admises en la matière et bannissant la négociation après l'ouverture des plis ainsi que la mise en oeuvre de mécanismes opérationnels dans la lutte contre la corruption et la criminalité. Au plan externe, l'Algérie, dit-on, a restauré la viabilité de la balance des paiements, a reconstitué, à un niveau élevé, des réserves de change (22 milliards de dollars) pouvant couvrir 2 années d'importations de biens et services et réalisé une baisse du ratio du service de la dette extérieure qui ne dépasse pas aujourd'hui 22%. A cela s'ajoute une baisse conséquente du stock de la dette extérieure, passant de plus de 33,7 milliards de dollars en 1996 à 22,3 milliards $ en 2002. Mais en raison de sa très forte dépendance par rapport au dollar américain, principale monnaie d'échange dans nos exportations, le dinar a baissé de quelques centimes ces dernières semaines en raison de la supériorité relative de l'euro sur la monnaie américaine. Néanmoins, la réforme bancaire et financière, attendue en 2002 et dont l'annonce a été faite en grande pompe par le ministre des Finances sortant, Mourad Medelci, n'a pas suscité le grand débat promis. Le processus d'ouverture du capital social de trois banques publiques, dont le CPA, censé montrer la voie aux autres établissements financiers publics, n'a pas eu lieu. Récemment, la ministre déléguée à la réforme bancaire, Mme Mentouri a révélé à la presse que le projet d'interconnexion bancaire spécialisée en partenariat avec les P&T est abandonné. Or, l'interconnexion bancaire est indispensable à la dématérialisation de la masse monétaire, qui est elle-même signe de la maîtrise de la technologie. En outre, les assurances du ministre actuel des finances, M.Mohamed Terbèche, lorsqu'il déclare devant le ballet des étrangers qui ont défilé à Alger, que «le rythme des réformes s'est accéléré ces deux dernières années», n'a pas suffi à occulter les résistances au changement qui continuent de paralyser la sphère économique. En effet, la recapitalisation des banques publiques et l'assainissement par l'Etat de leurs créances douteuses détenues auprès des entreprise publiques, les a mis vraisemblablement dans une situation de liquidité. Mais cette aisance n'a pas évité aux banques de marquer le pas dans le domaine de la prise de risque en matière d'investissement en dépit de la généralisation des règles prudentielles. Autre exemple de panne dans le processus des réformes, les 100 entreprises publiques choisies parmi les 1000 que renferme le tissu industriel national pour inaugurer la nouvelle vague des privatisations en 2002 ne le sont toujours pas. Aujourd'hui on parle à peine de 40 et le pari n'est pas joué d'avance. Mais la pierre d'achoppement du calendrier des réformes économiques en 2002 est sans contexte l'avant-projet de loi sur les hydrocarbures en gestation depuis septembre 2001. La réactivation du projet depuis la constitution du nouveau cabinet de Benflis en juin 2002 a ravivé la polémique sur la privatisation d'entreprises d'Etat entre le gouvernement et l'Union générale des travailleurs algériens (Ugta). Ce projet de loi, défendu bec et ongles au nom du pragmatisme économique, par le ministre de l'Energie et des Mines Chakib Khelil, divise la classe politique et est rejeté par l'Ugta qui y voit un moyen de «brader» la principale richesse du pays, fournissant 7% des recettes en devises. Mais tout le monde s'accorde de plus en plus à dire que ce n'est qu'un épisode de plus dans la guéguerre entre «pragmatiques», fervents défenseurs de la mondialisation, et les gardiens du temple ou «rentiers du bloc social», qui s'opposent à toute atteinte à leurs «privilèges» dans les sociétés étatisées. Des partis, des hommes politiques et l'Ugta craignent que cette loi n'ouvre une large voie à la privatisation de Sonatrach, locomotive, pour ne pas dire train de l'économie nationale. Ils mettent en avant la théorie des dominos, pour étayer leur scénario catastrophe. Des parallèles sont souvent faits avec les crises argentine et vénézuélienne. Khelil et Temmar multiplient les démentis sur les velléités qu'ils sont soupçonnés de nourrir sur l'avenir de l'économie nationale. Pour les employés de Sonatrach et les syndicats, il est essentiellement question de l'abandon de la part majoritaire systématique de Sonatrach, donc de l'Etat, dans les contrats de partage de production. Le projet, qui doit être soumis prochainement à l'assemblée nationale, propose de baisser de 51% à 30% la part de Sonatrach dans les futurs contrats. La part des partenaires étrangers, actuellement de 8%, devrait doubler en 2005. Pour enfoncer le clou, le Conseil national économique et social (Cnes) a produit un rapport très critique par rapport au premier semestre 2002. Le Cnes estime que les réserves de change n'ont pas été d'un grand secours à la relance économique malgré un programme ambitieux du chef de l'Etat, le plan d'aide à la relance économique. On reproche à ce programme de buter sur «le déséquilibre des dynamiques sectorielles et la lenteur des réformes économiques». En outre, le Plan national de développement agricole (Pnda), continue de subir les avatars de conflits d'intérêts sur le futur statut du foncier agricole. De manière générale, l'incapacité du système bancaire rigide encore en place à s'adapter aux nouvelles exigences économiques et la bureaucratie tatillonne ont été des facteurs décourageants pour les investisseurs étrangers. Outre la création d'un conseil d'affaires algéro-américain dont la tendance lourde reste le secteur énergétique, la venue d'une forte délégation de plus de 80 hommes d'affaires français sous la houlette du Medef et plus récemment encore le séjour en Algérie de 70 opérateurs japonais conduits par le président du Kaidenren, n'ont pas brisé le cercle vicieux du wait and see. En 2002 toujours, on a enregistré des performances négatives dans l'industrie (-6,3%) et dans l'agriculture (-1,3%) ainsi que la multiplication des grèves et leur augmentation de 65% par rapport à 2001, selon le Cnes. Enfin, le Produit intérieur brut (PIB) de l'Algérie en 2002 a été de 59 milliards de dollars, alors que le PIB par tête d'habitant ne dépasse pas 1880 $ contre 2 500 en 1985. Quant à l'inflation, elle est à moins de 3% selon les officiels alors que d'autres sources la situent aux alentours de 4,9% et le taux de chômage n'a jamais été aussi élevé, 27,8% du total de la population active, toujours selon des sources non officielles.