Les américains, qui continuent de masser leurs soldats aux frontières avec l'Irak, semblent déterminer à envahir ce pays. C'est l'incertitude dans le Golfe où le bruit de bottes des soldats américains, cantonnés dans les pays frontaliers de l'Irak, devient assourdissant. La grande majorité de la communauté internationale, ou pour dire les choses plus crûment, la population occidentale, y compris américaine, s'oppose à une guerre contre l'Irak. Les sondages de presse rendus publics, en ce début de semaine, montrent que les Européens, comme les Américains, sont unanimes à s'élever contre une guerre éventuelle en Irak. Ce dont ne semblent avoir cure les stratèges américains lesquels, faisant peu cas des opinions publiques ont, a contrario, accéléré les préparatifs militaires pour une invasion de l'Irak qui s'annonce sinon imminente, à tout le moins de plus en plus probable. Analystes et observateurs estiment aujourd'hui que le président irakien, Saddam Hussein, (sous-entendu le régime baasiste en place à Bagdad) n'est plus dangereux - si jamais il l'a été - pour justifier une guerre. Ce que les experts onusiens ont indiqué récemment en affirmant n'avoir découvert «aucun flagrant délit», soulignant, par ailleurs, qu'il faut au moins une année d'inspection et de vérification pour avoir un résultat probant sur la situation nucléaire de l'Irak. Là également Washington ne tient pas compte des analyses des experts s'en tenant ainsi à un programme à l'évidence préétabli de changement, par la force, du régime irakien. Aussi, dans l'optique américaine, la guerre contre l'Irak serait alors inévitable quels que soient les arguments contraires de la communauté internationale. Il est de fait que seule la Grande-Bretagne de Tony Blair soutient la croisade dans laquelle s'est engagé le président américain George W.Bush. Estimant que Saddam Hussein ne présente pas une menace suffisante, 58% des Britanniques trouvent «injustifiée» une guerre contre ce pays. Des membres du gouvernement travailliste, de Tony Blair, refusent de plus en plus clairement que le Premier ministre britannique engage leur pays. Cet engagement, en tout état de cause, doit demeurer «sur la voie de l'ONU», c'est-à-dire sous la couverture du feu vert du Conseil de sécurité, comme le demande Clare Short, la ministre britannique la plus engagée contre une guerre contre l'Irak. Cela d'autant plus que rien, pour le moment, comme l'ont montré les experts de l'ONU -qui n'ont rien découvert de suspect depuis qu'ils se trouvent en Irak- ne justifie le feu vert à la guerre de la part du Conseil de sécurité. Les Irakiens qui montrent une sérénité certaine se préparent toutefois à toute éventualité et se disent prêts à répondre coup pour coup aux attaques américaines. Ainsi, des milliers de volontaires de l'armée «El Qods» sont ainsi répartis dans des centres d'entraînement en Irak. Néanmoins, soucieux de ne pas se laisser aller à des provocations inutiles, les responsables irakiens tentent plutôt de calmer le jeu en appelant à l'opinion publique internationale et aux pays voisins. Recevant hier le ministre turc du Commerce, Kursat Tuzmen, qui se trouve à Bagdad avec une forte délégation de 400 hommes d'affaires et investisseurs turcs, le président Saddam Hussein a indiqué que «les équipes d'inspecteurs sont présentes (en Irak), la coopération se poursuit avec elles, mais si l'Amérique veut trouver une couverture pour l'agression, seuls les pays de la région l'en empêcheront». Pour sa part, poursuivant son périple dans les pays arabes le Premier ministre turc, Abdullah Gul, affirme qu'il faut «saisir les dernières chances pour éviter une guerre dont le prix serait payé par le peuple irakien et tous les autres peuples de la région». De fait, c'est en quelque sorte, le refus turc d'autoriser les soldats américains de se positionner sur son territoire, qui semble avoir retardé et crée des difficultés aux stratèges de Pentagone à trouver une solution de rechange à la défection de la Turquie, du moins à sa décision de s'en tenir, dans la crise irakienne, aux résolutions de l'ONU. Aussi, selon la presse américaine, l'armée américaine n'est-elle pas prête à une intervention militaire avant, au moins, le mois de mars prochain. Certes, la communauté internationale continue de se mobiliser contre la guerre contre l'Irak, mais il faudrait, semble-t-il, que le Conseil de sécurité de l'ONU joue aussi son rôle de modérateur par la mise en garde, notamment, de Washington contre tout acte de guerre non autorisé par les Nations unies. C'est cependant, aujourd'hui, le seul organisme international quelque peu en retrait dans la mobilisation internationale contre une nouvelle guerre dans le Golfe.