Dans cet entretien, le ministre iranien des Affaires étrangères a qualifié les relations entretenues par son pays avec l'Algérie de “stratégiques”. Il a parlé de la volonté de l'Iran d'augmenter le volume de ses exportations vers l'Algérie. Selon lui, les deux pays joueront un rôle déterminant dans la réduction des risques de la crise financière sur les Etats membres de l'Opec. Lors de sa rencontre avec les journalistes de Liberté, l'Expression, l'ENTV et El-Chourouk, mercredi dernier, au siège de son département à Téhéran, le ministre des Affaires étrangères de la République islamique d'Iran, Manouchehr Mottaki, a affirmé que la visite du président Bouteflika en Iran, en août dernier, a constitué “un événement historique pour trouver de nouvelles opportunités de développement des relations bilatérales entre les deux pays”. Il a précisé que le chef de l'Etat et le gouvernement algériens ont de grands projets de développement pour le pays. L'Iran a alors manifesté sa volonté de mettre à contribution son expertise, ses technologies et ses ressources pour leur réalisation. “L'Iran a plus de 100 ans d'expérience et d'expertise dans le domaine du pétrole et du gaz. Nous avons plus de 150 milliards d'échanges commerciaux avec les pays du monde. Sa priorité est d'augmenter le volume de ses importations vers l'Algérie. Nous serons heureux si nous parvenons à couvrir les besoins de l'Algérie”. Sans détour, il a souligné que les relations bilatérales entre les deux nations sont fondées sur les intérêts de chacun. “Les relations entre l'Algérie et l'Iran sont stratégiques”, a-t-il lancé à ses interviewers. “Ce sont deux pays importants dans l'instauration et le maintien de la stabilité dans leurs régions. L'Algérie agit sur beaucoup d'événements et dossiers internationaux”, a-t-il ajouté. Déjà par le passé, notre pays a joué un rôle déterminant dans la libération des otages américains détenus à Téhéran. Ce qui lui a conféré une position particulière au regard des Etats-Unis. À ce titre, de bons rapports diplomatiques entre l'Algérie et l'Iran pourraient inspirer un rapprochement entre la République islamique et la Maison-Blanche, en rupture de relations diplomatiques et économiques depuis la Révolution de 1979. D'autant que Manouchehr Mottaki reconnaît que son pays n'a pas “de politique de rupture des relations de manière permanente”, pour peu que l'administration américaine change ses positions vis-à-vis de l'Iran. “Mais nous n'avons vu aucun changement jusqu'alors”. Un constat qui appelle à la radicalisation du côté iranien. Interrogé sur la possibilité de l'installation d'une ONG américaine à Téhéran, le ministre a certifié que le gouvernement n'a reçu aucune demande y afférente. Il a assuré que même si c'était le cas, “nous ne permettrons pas l'ouverture d'un bureau d'une ONG américaine à Téhéran. Les Iraniens, qu'ils vivent à l'intérieur ou à l'extérieur du pays, ont toutefois le droit de représenter une ONG étrangère, dans le respect des lois iraniennes”. Evoquant le dossier du nucléaire iranien, qui continue sa percée dans l'actualité internationale, notre interlocuteur a martelé : “La République islamique d'Iran poursuit ses activités nucléaires avec dynamisme, sur la base de ses droits légitimes et légaux. Nous avons pour objectif d'obtenir 20 000 mégawatts d'électricité. Pour cela, nous n'avons besoin de l'autorisation de personne.” Il a attesté que l'Iran a coopéré, de bonne foi et en toute transparence avec l'Agence internationale d'énergie atomique (AIEA). “Mais les USA ont lancé d'autres accusations mensongères. S'ils veulent aller plus loin dans ce jeu, l'affaire n'aura jamais de fin”. Paradoxalement, il a noté une évolution des Etats-Unis sur ce dossier, matérialisée par la présence d'un représentant américain lors de la rencontre de l'Iran avec le groupe des 5+1 (membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies et l'Allemagne), à Genève. “Nous avons salué cette participation car, jusqu'alors, les Américains refusaient d'y assister tant que l'Iran n'arrête pas ses activités d'enrichissement en uranium. Cela signifie qu'ils renoncent à cette condition”. Les 5+1 demandent à l'Iran de suspendre ses activités nucléaires. En retour, ils s'engagent à lui fournir des aides économiques (construction de réacteurs à eau légère ; offre de combustible nucléaire et vente d'avions et de pièces de rechange…). M. Mottaki a révélé que l'Iran a aussi présenté ses propres propositions. “Nous leur avons préconisé un cadre pour les négociations, avec suppression du point relatif au gel de l'activité nucléaire. Nous acceptons de poursuivre le dialogue avec les 5+1 jusqu'à arriver à un consensus”. Le ministre iranien des Affaires étrangères a jugé préoccupante la crise financière que subissent les Etats-Unis, l'Europe et depuis peu l'Asie. “Beaucoup d'échanges financiers et commerciaux mondiaux sont liés à l'économie américaine. Pour cela, les Etats-Unis tendent à engranger tous les avantages et effets positifs de l'économie mondiale, et faire subir l'impact négatif au reste des pays du monde. Bien que la valeur du dollar n'ait pas changé, nous enregistrons une baisse drastique des réserves de change de nombreux pays comme la Chine, la Corée, l'Allemagne, la France… ainsi que les réserves de change des pays exportateurs de pétrole à l'Opec qui ont baissé de 30%”. Il a indiqué que l'Iran a recommandé aux présidents des Etats membres de l'Opec, lors de la réunion à Riyad (Arabie Saoudite) de l'année dernière, de réduire la dépendance des échanges économiques au dollar. “L'expérience montre que nous avions raison. C'est pour cela que l'économie iranienne souffre moins de la crise. Au contraire, nous avons enregistré une augmentation des investissements étrangers. Sans aucun doute, l'échange d'opinions entre l'Iran et l'Algérie, en tant que deux membres importants de l'Opec, jouera un rôle déterminant dans la diminution des risques de la crise financière sur les pays producteurs et exportateurs de pétrole”. S. H.