Demain sera consacrée officiellement la réconciliation entre les grands du monde. Le G8 se retrouve dans la célèbre ville d'eau française Evian pour une photo de famille signifiant que le temps des fâcheries avec les Etats-Unis est terminé et que tout continue comme avant. Le fil qui s'était tendu en hiver dernier lorsque Bush avait exigé de ses partenaires leur ralliement à sa guerre contre Saddam Hussein et qui, à plusieurs reprises, a même failli se rompre, après la constitution d'un front anti-guerre mené par la France et soutenu par la Russie, s'est renoué ces dernières semaines. Realpolitik exige, tout ce monde a mis de l'eau dans son vin après la chute brutale de Saddam Hussein. Les Etats-Unis savent aussi que leur unilatéralisme peut contrarier la coalition internationale qu'ils ont bâtie contre ce fléau après le 11 septembre 2001. Le président français a lui aussi constaté qu'il s'est planté et qu'il courait le risque de se trouver pratiquement seul dans une croisade impossible contre la première puissance du monde. Les Allemands en avaient tiré une leçon avant les français et Vladimir Poutine a fait mieux en réunissant, juste la veille de la rencontre d'Evian, le G7 et trente-trois autres grands partenaires de la Russie, à Saint Pétersbourg, où il a célébré dans un faste tsariste le tricentenaire de cette ville dont il est natif et d'où Pierre le Grand a bâti la Russie moderne et impériale. Bush qui en a été l'invité star, a apuré son contentieux avec Poutine qui exige le rang de partenaire privilégié dès lors que l'UE l'a entièrement adopté. Les questions américano-françaises ont été laissées pour Evian que Jacques Chirac a transformé en forteresse imprenable avec des mesures sécuritaires exceptionnelles qui ont pour fonction de tenir à distance les alter-mondialistes et d'étaler le haut degré de sophistication de l'armée française. Pour Bush, ses récriminations à l'égard de Chirac sont d'autant plus passées qu'il a besoin de travailler avec la France pour ses propres desseins en Afrique. C'est lui-même qui en a fait l'annonce. L'ordre du jour du 28e sommet du G8 est pratiquement consacré au revers de la médaille de la mondialisation : l'accès de tous les humains à l'eau, le développement de l'Afrique, la responsabilité des Etats dans la préservation des équilibres sociaux et environnementaux et la question de la démocratie dans les sociétés en développement. Les alter-mondialistes, de leur côté, tiennent un anti-G8, à un jet de pierre des hôtels où se retrouvent les présidents et chefs de gouvernement de la France, des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne, du Japon, du Canada, de l'Allemagne, de l'Italie, de la Russie, de la Chine (en qualité d'invité d'honneur) et de l'Algérie, du Nigeria, de l'Afrique du Sud, du Maroc, de l'Egypte, du Mexique et du Brésil (en qualité de représentants du Sud). Ils ont accusé Chirac de récupérer leurs propres propositions pour un monde plus social. Cela dit, le G8 réconcilié ne change pas grand-chose au reste du monde. Jamais les inégalités n'ont été aussi profondes entre le Nord et le Sud, comme à l'intérieur de chaque société. La globalisation comme thérapie de choc contre la pauvreté et l'exclusion et l'ouverture des marchés comme facteur de croissance partagée ne sont que des clichés. La mondialisation heureuse est un leurre. Le G8 commence apparemment à le reconnaître. Les alter-mondialistes attendent d'être renforcés par les sociétés de pays en développement qui, elles, sont toujours en attente de démocratie. Le développement, c'est, avant tout le reste, les libertés démocratiques. C'est justement la question dans ce reste du monde qui fourmille de despotes, d'autocrates et de théocrates, jusque-là sous le regard complaisant du G7. D. B.