“Nous étions les hommes debout. Nous avons libéré l'Algérie, c'est comme ça qu'on nous qualifiait”, résume, d'une voix où se mêle le regret et l'amertume, Mohamed Fergane, l'ancien chef des Patriotes de Relizane. Actuellement secrétaire de wilaya de l'ONM et membre du conseil national des anciens moudjahiddine, Hadj Fergane ne manque pas de mots pour décrire la situation dans laquelle survivent ces anciens compagnons d'armes, les Patriotes de Relizane. “Ils n'ont pas hésité à reprendre les armes pour sauver le pays mais, voyez comment ils ont été remerciés”, dénonce l'ex-DEC de Relizane. Avant d'entrer dans le vif du sujet, notre interlocuteur revient sur le contexte de l'époque : “À Relizane, les Patriotes ont assumé deux rôles : sécuritaire et prise en charge de l'administration en intégrant les fonctions de DEC (délégué exécutif communal, ndlr), et adjoint DEC. Tous étaient des volontaires. En dépit de l'absence de toute notion de l'administration et leur bas niveau d'instruction, ils ont quand même tenu à être fidèles au poste.” Réputée fief de l'ex-AIS à l'Ouest, Relizane a été marquée au fer rouge par des massacres à grande échelle mais également par le scandale des “escadrons de la mort” qui a valu à Hadj Fergane, Hadj Abed, l'ex-DEC de J'diouia et chef des GLD de la commune, ainsi qu'à quatre Patriotes et un garde communal d'être arrêtés par les services de sécurité le 27 mars 1998 et interrogés à Oran. Les six “accusés” seront relâchés dix-sept jours plus tard. “L'ingratitude des autorités est ce qui a fait le plus mal aux patriotes”, ajoute Hadj Fergane. Il n'arrive toujours pas à comprendre ce “deux poids, deux mesures” qui rythme la vie des anciens Patriotes de Relizane. “Beaucoup n'ont rien et on a dû intervenir en faveur de certains d'entre eux pour trouver un travail”, dira-il en déplorant leur situation sociale. “Il faut que les gens sachent qu'on a agi pour la paix pas pour faire la guerre. Grâce à nous, beaucoup de gens sont revenus chez eux. Même des repentis qui le reconnaissent.” Il soutient que la réconciliation nationale n'a rien apporté aux Patriotes. À propos de la possibilité d'intégrer des Patriotes et GLD dans le corps de la police communale, Hadj Fergane est plutôt dubitatif. Il estime que beaucoup d'anciens Patriotes de Relizane, “les premiers en tout cas à avoir porté les armes contre el-irhab”, sont d'anciens moudjahiddine que cette offre ne saurait intéresser. Par pragmatisme, notre interlocuteur juge plus utile la création d'une association nationale des Patriotes. “Pourquoi pas ? J'en ai discuté avec Slimane el Ghoul (chef des Patriotes de Oued Fodha, ndlr) et avec d'autres. ça peut se faire.” Hadj Fergane évoque le cas des deux fils Abed, Patriotes aussi, qui sont toujours sous contrôle judiciaire à Nîmes (France). Mohamed Abdelkader et son frère Hocine font l'objet d'une plainte déposée par des ONG internationales, entre autres Amnisty International et l'association SOS disparus de Nacéra Dutour. “Ils n'ont aucune preuve et ils continuent à s'acharner contre eux”, s'emporte notre interlocuteur. Saïd Oussad