Les anciens poussent un soupir qui en dit long lorsqu'ils évoquent le passé glorieux de cet endroit. Le boulevard Amirouche de Bordj Menaïel n'est plus ce qu'il était. Le café le Montagnard n'est qu'un triste souvenir. La pâtisserie Kaidi n'est qu'un champ de ruines. Le café d'Alger ou le café Nedjma sont méconnaissables. Les anciens poussent un soupir qui en dit long lorsqu'ils évoquent le passé glorieux de cet endroit. Du temps où “Le montagnard” et tout le boulevard accueillaient des célébrités comme Kateb Yacine, Tahar Djaout, Alain Delon, Loucif Hammani, Belloumi, Madjer et bien d'autres. C'est l'époque où le théâtre, le cinéma et la JSBM, Omar Fatmouche, Aziz Ferhat, feu Tahanouti faisaient partie de la vie de tous les jours des Menailis. L'époque où les titres des journaux titraient “La troupe de théâtre de Bordj Menaïel à Mostaganem” ou “le sort a donné MCA-JSBM” au lieu de “la JSBM battue à Zemmouri” ou “un homme retrouvé mort à la gare routière”, titres qu'on épluche malheureusement aujourd'hui dans la presse lorsqu'il s'agit de Bordj Menaïel. Le boulevard, qui faisait naguère la fierté des Menailis, n'est qu'un immense dépotoir, dira un commerçant de la ville. Les stigmates du séisme du 21 mai 2003 que personne n'a osé restaurer sont encore vivaces partout dans cette ruelle qui grouille toujours de monde. Des dizaines de constructions menacent toujours de s'écrouler. “Comment peut-on démolir une construction quant c'est rouge au rez-de-chaussée et vert à l'étage et en plus elle est dans l'indivision”, dit M. Zerrouki vice-président de l'APC de Bordj Menaïel qui nous accompagne. Pourtant cette situation n'a pas empêché des dizaines de commerçants à utiliser encore ces locaux délabrés. “Où voulez-vous que j'aille”, clame un vieux commerçant visiblement déçu par l'absence d'autorité et l'anarchie qui règnent dans la ville. Il n'y a pas que les façades qui sont encore délabrées, les trottoirs sont eux aussi dans un état lamentable. Le pavé est enlisé en plusieurs endroits. La plupart des accotements sont usurpés par des commerçants dont beaucoup sont versés dans l'informel. Les piétons qui sont dans l'impossibilité d'emprunter ces trottoirs sont “poussés” vers la chaussée au risque d'être écrasés par les automobilistes. “Il faut une décision politique pour nous permettre de démolir ce champ de ruine et reconstruire à nouveau le centre-ville”, affirme M. Zerrouki. Un avis qui est partagé par une grande partie de la population qui n'arrive plus à supporter la décadence de leur ville. Le décor est presque le même dans d'autres quartiers sinon pire comme du côté des ex-Galeries algériennes où cette place a été transformée ces trois dernières années en un piteux bazar où les baraques disputent la place aux détritus de toutes sortes. L'ancien Souk dit “souk de vendredi” est dans un état lui aussi pitoyable. Les anciens responsables n'ont rien entrepris pour réparer ce qui a été détruit par le séisme. “Nous allons bientôt lancer des travaux pour restaurer ce Souk vieux d'un siècle”, affirme M. Azzoug autre élu de l'APC. A Trig Souiad un quartier qui relie le quartier Madoui à la cité Diar Melioune devenu le nouveau bazar de Bordj MenaIel, rien ne se cède gratuitement, tout se vend et tout se loue à commencer par les murs des maisons alignées des deux côtés de la fameuse ruelle. Un mètre de mur situé dans cette artère poussiéreuse est cédé entre 3 000 et 4 000 DA le mois, nous dit-on. Au niveau de la gare routière, les trottoirs sont toujours squattés. Les écoliers et les piétons sont obligés de négocier les espaces avec les automobilistes pour vaquer à leurs occupations. “Il n'y a pas d'Etat, c'est la loi de la jungle”, crie un quinquagénaire qui tente de se frayer un chemin pour prendre le bus. Mais quels bus ? La plupart sont encrassés et ne répondent pas aux normes. Bordj Menaïel n'est plus cette ville propre et exemplaire. Les citoyens comptent sur cette jeune équipe de l'APC qui a déjà affiché les couleurs du changement. Beaucoup de choses ont été déjà entreprises par cette équipe conduite par un jeune maire licencié en droit et un secrétaire général architecte de formation. Mais aussi par des vice-présidents presque tous des jeunes à l'image de M. Zerrouki, Azzoug ou Aouda qui nous ont reçus dans le bureau du maire qui était en congé. “Nous avons hérité une situation explosive avec ces commerces informels et ces squatters mais nous sommes en train d'agir pas à pas”, affirme M. Aouda qui précise “que l'APC actuelle n'attribuera jamais ce genre de commerces et ces constructions illicites contre lesquels nous allons engager une lutte sans merci”. En effet, l'APC a déjà enlevé plusieurs commerces érigés à même les trottoirs au quartier de Bousbaâ. Une décision saluée par la population mais aussi par le directeur de la sûreté de wilaya de Boumerdès lequel s'est engagé à donner un coup de main aux élus pour continuer sur leur lancée. “Le maire a fait du bon travail et nous allons l'aider dans sa tâche”, dira M. Affani lors d'une rencontre avec la presse. Mais les élus comptent sur le wali de Boumerdès qui leur avait promis, lors de son passage à Bordj MenaIel en juin 2008, de visiter en profondeur leur commune . “Il nous a donné espoir et nous attendons son coup de pouce pour redonner à Bordj Menaïel, la ville des coquelicots, sa place d'antan”, affirme M. Azzoug. Les citoyens sont eux aussi de cet avis comme ce jeune commerçant qui affirme que “Bordj Menaïel doit saisir cette chance avec le nouveau wali et la jeune équipe de l'APC pour décoller de nouveau”. De nombreux citoyens n'ont pas hésité à interpeller le chef de l'exécutif à mettre en place un “plan de sauvetage” pour leur ville encore en ruine. “La nouvelle APC a besoin de gasoil pour fonctionner”, lancera un citoyen à l'adresse du wali de Boumerdès venu en juin dernier rencontrer la société civile de Bordj Menaïel. En sillonnant les locaux de l'APC, on a été surpris par les célèbres fresques de Léon Cauvy exposées dans la salle des délibérations de l'APC. Ces œuvres qui datent de 1932 dont l'une représente “le souk de vendredi” de Bordj Menaïel, qui existe toujours et l'autre qui représente la baie de Cap Djenet semblent échapper à la curiosité du ministère de la Culture et aux artistes du monde entier. Signées par le premier pensionnaire de la villa Abdeltif, ces fresques ne sont, apparemment, pas répertoriées ni en Algérie ni en France. Espérons que ces œuvres de valeur ainsi que les canons, vestiges du fort de l'époque turque entreposés devant le siège de l'APC soient préservés aussi longtemps que possible. M.T