Les Etats-Unis restent fermement attachés à leur vision unilatérale du monde. Les escales du premier périple à l'étranger de Bush (après l'occupation de l'Irak), sont, en elles-mêmes, explicites. En commençant par la Pologne, le président américain a voulu montrer à ses partenaires européens la place et le rôle qu'il leur concède au sein de l'atlantisme, pour eux, incontournable pour des raisons sécuritaires, économico-financières et culturelles. C'est un petit pays de l'ex-bloc socialiste qui, avant même de siéger au sein de l'UE, a contribué à semer la zizanie dans le seul ensemble qui peut tenir la dragée haute à l'américanisme. La Pologne est payée en retour, bien arrimée à l'OTAN ; elle a même, sans mouiller la chemise, une part du gâteau irakien. Un vrai nez de pied à l'Europe. À Saint-Pétersbourg, Bush devait également voir s'étaler, dans le faste, la faillite de la coalition internationale qui s'était forgée contre lui avant sa victoire en Irak. Le président russe a tu ses récriminations, en contrepartie d'une assistance financière, d'une place dans la gestion de dossiers sensibles comme la question israélo-palestinienne mais surtout parce qu'il a désormais les mains libres pour gérer le casse-tête tchétchène. Des assurances lui ont été données en ce qui concerne les investissements russes en Irak et Poutine espère même une solution à la dette contractée par Saddam. À Evian, le président américain s'est, plus ou moins, réconcilié avec la France qui, auparavant, avait fait son mea-culpa en votant avec l'Allemagne et la Russie, la résolution du Conseil de sécurité qui entérine de facto le protectorat américain sur l'Irak. Là, Bush, a clairement laissé entendre que, pour lui, l'ONU reste une caisse de résonance et que les décisions de grande envergure se prennent au sein du G8 qu'il veut fermer à ses propres membres. Il a veillé à ce que le dollar reste la monnaie phare dans les échanges mondiaux et que de sérieuses mises en garde soient adressées à la Corée du Nord et à l'Iran pour qu'ils arrêtent leurs entreprises nucléaires, mais il n'a pas pris part aux rencontres avec les 12 autres invités représentant l'Afrique et des pays émergents. Chirac les a invités pour, dans son esprit, élargir le cercle de la concertation dans la gestion des affaires du monde. À Charm El Cheikh, le président américain n'avait pas besoin de convaincre. Les dirigeants arabes convoqués à son sommet étaient tous contents de (re) rentrer dans les bonnes grâces de Washington. Ils ont fait état de leur satisfaction pour la “feuille de route” devant créer l'Etat palestinien vers 2005 et se sont même posés comme fer de lance dans la guerre antiterroriste. Bush qui s'est rendu compte de la fragilité de sa victoire en Irak va exiger d'eux quelques retouches dans leur gouvernance, en contrepartie de son parapluie. L'Arabie Saoudite, humiliée plus que les autres par les Etats-Unis, a montré le chemin. Elle a mis tout le paquet pour dénouer sa propre poudrière islamiste et envisage même de revoir le contenu de son système d'éducation qui est une véritable arme de destruction massive. Officiellement, la normalisation israélo-palestinienne se fera sous le couvert du quartette avec la bénédiction de pays arabes. En réalité et Bush a tenu à le montrer aux yeux du monde en rassemblant autour de lui Sharon et Abou Mazen à Aqaba, le faiseur de paix, c'est lui. L'ONU en prend pour son grade puisqu'elle n'est sollicitée qu'en qualité de témoin. Tout comme l'UE et la Russie. En terminant son périple à Doha, Bush enterre définitivement les places occupées auparavant par l'Arabie Saoudite et la Turquie, confirmant qu'il n'a plus besoin de blanc-seing ni de l'ONU ni de l'OTAN. L'Amérique table sur ses propres forces et, accessoirement, avec l'appui d'alliés qui ne posent pas de conditions. Pour les Etats-Unis, le moteur du nouvel ordre mondial, ce sont le G8 et l'OMC, et eux leur réacteur. D. B.