Les employeurs trouvent absurde que chaque pays de l'UMA ait individuellement signé des accords avec l'UE avec un volume d'échange aux alentours des 60%, alors que les échanges intermaghrébins ne dépassent pas une moyenne de 2%. Malgré la sensible petite méfiance qui subsiste entre les gouvernements, gouverneurs des Banques centrales de l'UMA et l'Union maghrébine des employeurs (UME), la quatrième conférence qui s'est tenue à Tripoli a permis une avancée. Un grand pas selon des membres de l'UME puisque les entrepreneurs du Maghreb (membres de l'UME) sont désormais considérés comme des partenaires et des acteurs incontournables dans les futures décisions de l'UMA. D'ailleurs, M. Boualem M'rakach, président de la Confédération algérienne du patronat (CAP) et membre de l'UME, a salué ce grand pas qui va permettre aux patrons de l'UMA d'avoir leur mot à dire dans les instances de ce regroupement régional qui peine à se concrétiser au plan politique et continue de patauger dans des contentieux secondaires préjudiciables aux attentes des autres segments de la vie de la région. Et à défaut, l'UMA se construit par la périphérie et la base. D'ailleurs, cette 4e conférence a permis, avec l'appui des recommandations du FMI qui a mis en exergue dans son rapport, l'importance d'accorder “un espace” plus large pour le secteur privé dans cette construction, de faire un bond en avant à travers ses résolutions, notamment celles applicables rapidement, comme le commerce intermaghrébin, les taxes douanières ou encore la création de la banque maghrébine d'investissement et du commerce extérieur qui devrait voir le jour au courant de l'année 2009. Les experts de l'UME, notamment les Algériens, n'ont pas manqué d'appeler d'abord à la mise en œuvre des recommandations des trois précédentes conférences, tout au moins les résolutions de la conférence de Tunis, qui peuvent bien faire avancer les choses et ouvrir la voie à un véritable partenariat intermaghrébin. Souhait des entrepreneurs de l'UME qui butent contre le processus détourné et lent des “politiques” de l'UMA. Si pour les gouvernements ou représentants et les gouverneurs des Banques centrales, il s'agit d'abord d'harmoniser les législations comme préalable pour aller vers l'intégration, les employeurs trouvent, quant à eux, absurde que chaque pays de l'UMA ait individuellement signé des accords avec l'Union européenne, avec un volume d'échange aux alentours des 60%, alors qu'ils hésitent à “lever les barrières tarifaires, ouvrir le marché”, un marché estimé à 100 millions de consommateurs, alors que les échanges intermaghrébins ne dépassent pas une moyenne de 2%. L'objectif est d'infléchir cette tendance et de s'éloigner par la pratique de la “littérature” qui caractérise ces conférences dont les issues dépendent souvent de décisions politiques. Un représentant n'a pas manqué l'occasion de relever cette “absurdité” et de suggérer de procéder par étape par la mise en œuvre rapidement des résolutions ne nécessitant pas de révision des procédures législatives des pays de l'UMA. Selon un représentant tunisien, rejoint par le Mauritanien, l'UMA peut bien ouvrir le marché sans attendre l'union politique. “Mettons la politique de côté”, dit-il, en proposant de matérialiser ce que ne peut pas freiner l'aspect politique. En fait, il a repris ce que le président du FMI, M. Strauss-Kahn qui reconnut l'existence d'une crise de la mondialisation et la nécessité de trouver une solution solidaire, et que, étant un acteur de “l'euro”, le Maghreb n'a rien à attendre de l'Europe. En économiste, il expliqua qu'un point d'échange équivaut à un point de croissance. Ce que reprendra, plus explicite, M. M'rakach dans son intervention, en insistant sur l'impérieuse nécessité pour tous les membres de l'UME de matérialiser leur part de recommandations, mais surtout d'aller dans le sens de “l'équation” un point dans l'échange intermaghrébin engendre un point de croissance pour la région. Par ailleurs, la partie algérienne, notamment la CAP en ce qui la concerne, a réalisé une large partie des recommandations, particulièrement celles qui n'impliquent pas directement les pouvoirs publics. Il en est ainsi du forum qui se tiendra en mars prochain à Alger. Implicitement, c'est une invitation aux autres partenaires pour exécuter chacun ses engagements. Et M. Strauss-Kahn de rassurer que le FMI apportera son aide à cette initiative dont le rapport de deux experts de cette institution internationale a relevé des retards d'exécution variable selon les pays. Mais l'on demeure optimiste au sein de l'UME où l'on affiche une volonté d'aller vers l'intégration maghrébine, présentée par ailleurs comme une solution au risque de contagion de la région par la crise financière mondiale qui l'a jusque-là épargnée. Les experts de l'UME ont pu, après deux jours de travaux, dégager un consensus et pris conscience de leur rôle dans la construction de l'espace maghrébin, mais surtout de leur mission de locomotive de cet ambitieux projet à travers des projets communs, un partenariat bi et multilatéral et solidaire. Paradoxalement, au niveau politique, les choses évoluent nettement plus lentement d'où l'option dans certains cas pour les formules bilatérales. L'exemple a été donné par la Libye et la Tunisie qui ont déjà franchi en supprimant la frontière de leurs monnaies respectives. Mais il est certain que quelques pays veulent faire dans la vente concomitante en exigeant la satisfaction de certaines conditions comme préalable à toute avancée. À la suggestion d'ouverture, comme premier pas, du marché intermaghrébin souhaité par la majorité des intervenants, le représentant du gouvernement marocain a repris le refrain à la mode de l'ouverture de la frontière. “Comment ouvrir le marché alors que la frontière est fermée ?” a interrogé le ministre marocain délégué à l'Economie et aux Affaires publiques, alors que les autres mettaient l'accent sur le projet de développement des transports aérien, maritime et ferroviaire. Facteur de blocage que les opérateurs économiques semblent décidés à surmonter d'autant plus qu'ils ont réussi à s'imposer comme partenaires des institutions nationales et acteurs de l'intégration maghrébine. La prochaine conférence pourrait se tenir à Nouakchott comme l'a demandé le représentant mauritanien. D. B.