Le cinéaste, qui se relève d'une grave maladie, a donné le coup d'envoi de son prochain film, l'Andalou, une épopée retraçant le reflux des musulmans et des juifs d'Espagne au Maghreb après la Reconquista. Mohamed Chouikh revient. L'un des plus grands cinéastes algériens contemporains, qui n'avait pas tourné depuis Douar de Femmes (2004), et à qui l'on doit quelques-uns des meilleurs films des années 1990 (la Citadelle, Youcef ou le Septième Dormant, l'Arche du désert), a donné jeudi, Dar Abdeltif à Alger, le premier tour de manivelle de son dernier projet, l'Andalou. Une petite cérémonie à laquelle étaient conviés le public et la presse. Dans un décor trop rare de plateau de cinéma avec rails de travelling, le cadre mauresque de Dar Abdeltif se transforme en décor andalou ; les comédiens en costume d'époque rejouent l'histoire ; une fiction se tourne. Cette fiction, ce destin particulier qui se mêle à une histoire beaucoup plus grande, c'est celui de Salim, fils improbable d'un juriste musulman et d'une catholique de Malaga, né dans le sud d'une Espagne à la veille d'une Reconquista sanglante. Salim est à Grenade, où il a achevé ses études et est devenu un des secrétaires favoris de la reine Aïcha, en ce 2 janvier 1492 qui vit le roi Boabdil, dernier rejeton de la dynastie nasride, se rendre aux rois catholiques. Suit alors l'exil, en compagnie de son ami Ishaac, jeune tailleur juif, à Andarach d'abord, puis sur les côtes algériennes qu'il rejoint sur une embarcation de fortune. Le chemin de Salim sera celui des populations musulmanes poussées vers le sud de la Méditerranée, par les avancées des troupes catholiques (prise d'Oran) qu'il accompagne un moment, avant l'arrivée et l'établissement de la domination ottomane. C'est ainsi qu'un pan de l'histoire du Maghreb, des XVe et XVIe siècles, devrait nous être conté, à travers les yeux et les rencontres décisives que fera Salim, placé par Mohamed Chouikh, qui a également signé le scénario et les dialogues, au cœur du maelstrom de cette époque agitée. Une petite scène de l'Andalou a été jouée, ce jeudi à Dar Abdeltif, qui nous a donné à voir un casting mêlant anciens du cinéma algérien, Sid Ali Kouiret, Bahia Rachedi aux côté de visages plus jeunes, comme Hassen Khechache, par ailleurs héros du Benboulaïd d'Ahmed Rachedi, ou Tarek Hadj Abdelhafidh, déjà vu dans El-Manara de Belkacem Hadjadj. D'autres acteurs, espagnols notamment, devraient étoffer la distribution de ce film en arabe classique et en castillan. Si tout va bien, cette odyssée à rebours installera ses plateaux en Algérie (Alger, Oran, Ténès, Mostaganem et dans la Dahra), mais aussi dans les décors fastueux de l'Alhambra de Grenade, à Fès au Maroc… et au large de Tunis pour les “scènes de galions” ! Quatre mois de tournage sont prévus pour une sortie annoncée courant 2009. L'Andalou est coproduit par l'EPTV (ex-ENTV), Acima Films et Aralan films sans compter les soutiens de l'ONDA, du CNC algérien, de l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel et celui du ministère de la Culture. Un ministère de la Culture représenté jeudi par Khalida Toumi en personne, au milieu d'une assistance nombreuse également composée de personnalités du cinéma, réalisateurs, acteurs en mal de rôles, de la presse et des arts. Azzedine Mihoubi tout frais secrétaire d'Etat à la Communication, pourtant attendu à Constantine pour une vente-dédicace de son dernier ouvrage, a également fait le déplacement, pour ce qui était sans doute sa première sortie artistique officielle. Dans une ambiance un peu fébrile, assez formelle mais bon enfant, le clap de départ a été confié à Khalida Toumi, ministre de la Culture, le déclencheur à Azzedine Mihoubi. Beaucoup de sourires et quelques ronds de jambes, donc, mais le soutien crucial et la bienveillance des bailleurs de fonds publics. Quand on imagine le budget d'une telle aventure (de l'ordre de plusieurs millions d'euros), c'est le genre d'appui dont on ne saurait se passer. Et Mohamed Chouikh, très entouré par sa tribu, ne voulait pas manquer son retour. Rachid Alik