Au moment où le régime militaire mauritanien cherche à gagner du temps, l'Union européenne est revenue jeudi à la charge en brandissant la menace de “mesures appropriées”, après l'expiration de l'ultimatum d'un mois qu'elle lui avait accordé. Ne voyant rien venir, trois mois et demi après le coup d'Etat qui a renversé le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi élu en 2007, l'Union européenne est en passe de prendre des sanctions contre la junte militaire mauritanienne, qui continue à rejeter les pressions et demande la “poursuite des discussions”. On rappellera que Bruxelles avait donné au général Mohamed Ould Abdel Aziz un mois pour rétablir “l'ordre constitutionnel”, comme l'a indiqué jeudi le ministère français des Affaires étrangères : “Le 20 octobre dernier, l'UE a donné un mois à la junte pour faire des propositions en vue de ce retour à l'ordre constitutionnel”. Le porte-parole du ministère français, Frédéric Desagneaux, a insisté sur le fait que : “Compte tenu du caractère jugé insuffisant par la communauté internationale des propositions faites par la junte, les Etats membres de l'UE vont examiner, sur la base de propositions de la Commission, les mesures appropriées prévues dans le cadre de l'article 96 de l'accord de Cotonou”. Cet article de l'accord de Cotonou, liant l'UE aux pays d'Afrique, Caraïbes et Pacifique, prévoit des sanctions en cas d'irrespect par une partie des principes démocratiques. Bien qu'évoquant “quelques évolutions ces derniers jours”, comme le transfert du résident déchu de la villa où il était détenu à Nouakchott jusqu'à son village natal, à 250 km de la capitale, la même source estime que tout cela demeure insuffisant. En effet, l'Union européenne déplore que Sidi Abdallahi reste placé en résidence surveillée, et réclame sa libération, tout comme les Etats-Unis. Bien que Paris n'a pas détaillé en quoi consisteraient les mesures appropriées évoquées, les sanctions européennes pourraient prendre la forme d'une suspension des relations diplomatiques et de l'aide au développement, hors aide humanitaire. Réagissant à cette annonce, le ministre mauritanien de la Communication Mohammed Ould Moïne a rejeté, jeudi à Paris, les pressions exercées par l'UE et l'Union africaine (UA) sur le Haut conseil d'Etat (junte) dirigé par le général Mohamed Ould Abdel Aziz. “Mon pays est un Etat souverain et indépendant. Ce qui signifie que personne, je dis bien personne, n'a le droit de prendre des décisions concernant mon pays et personne n'est le tuteur de mon pays”, a-t-il affirmé à la presse. De son côté, Sidi Ould Cheikh Abdallahi a souligné qu'il demeurait “le président de tous les Mauritaniens”, dans un discours “à la nation” diffusé en exclusivité par la chaîne de télévision Al-Arabiya. Il avait choisi ce média étranger, faute d'avoir accès à la télévision nationale mauritanienne, selon ses collaborateurs. Le président déchu a reproché aux putschistes d'avoir “érigé l'intimidation et la corruption en style de gouvernement” et de chercher à “conduire le pays vers le chaos”. Et il a affirmé qu' " une fois le putsch mis en échec, (il) serait ouvert à tout dialogue ou réflexion portant sur l'avenir des institutions du pays, dans le cadre de la Constitution et des lois de la République (...)”. Il y a lieu de préciser que le président de l'Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheir, opposé au coup d'Etat, avait proposé en octobre “une sortie de crise” qui passerait par “le retour au pouvoir” du président “pour une période déterminée, suffisante pour l'organisation d'une élection présidentielle” à laquelle il ne participerait pas. Merzak T./Agences