De Bab El-Oued à Hussein Dey, en passant par le centre-ville, ces immeubles constituent un véritable traquenard pour les paisibles citoyens. L'histoire qui va suivre paraît à la fois triste et stupide et rappelle, toutes proportions gardées, la mésaventure de Rouiched dans Hassen taxi. Il se trouve que la victime est aussi un chauffeur de taxi ayant offert sa prestation à un client pour plus d'une demi-journée durant laquelle le moteur de son véhicule n'a pas cessé de tourner. Pour un dernier parcours, le passager lui demande de l'emmener à Bab El-Oued pour prendre chez un ami des effets vestimentaires. Trois quarts d'heure après, ne voyant pas venir ce dernier, le chauffeur décide d'aller voir de près. Il ne tardera pas à réaliser qu'il s'est fait bel et bien avoir. L'immeuble où le client est entré est doté de deux accès donnant chacun sur une rue. Résigné, il retourne dans sa voiture et avant de démarrer, il constate que ses lunettes de soleil griffées avaient disparu. Et si notre infortuné chauffeur s'en est sorti indemne physiquement, c'est qu'il a de la chance. Beaucoup de citoyens pris au piège dans ce genre d'immeubles y ont laissé des plumes. L'exemple du 18, rue Abdelkader-Fadel dans le quartier de Bab El-Oued est un cas d'espèce. Les agressions qui ont été commises, selon des témoignages, à l'intérieur des deux issues de cette bâtisse construite dans les années 1930 lui a valu le surnom de “Dar el Kahla” (la maison noire). Le propriétaire que nous avons rencontré sur place explique en effet que le bâtiment est devenu depuis quelque temps un refuge pour voleurs et délinquants. “Si je vous racontais les histoires qu'a connues cet immeuble, il y a de quoi remplir votre journal. Tout cela c'est à cause du deuxième accès de malheur que les malfaiteurs utilisent comme issue de secours pour semer leurs victimes. Ce dernier donnant sur la rue Ahmed-Bissas est également utilisé quotidiennement comme raccourci par un nombre important d'habitants de Bab El-Oued. Par souci de sécurité pour les locataires, j'ai saisi à maintes reprises les services compétents de l'APC et même de la circonscription administrative pour la fermeture de cet accès mais sans suite. Plutôt une suite surprenante et étrange : on m'a signifié l'accord de fermer l'accès principal de la rue Fadel. J'avais beau expliquer aux autorités que les problèmes viennent de l'autre côté, on ne m'a jamais donné raison. Pourtant tous les habitants du quartier vous le confirmeront. Je reste convaincu que la fermeture de l'accès Bissas réglera à jamais le problème des agressions qui se produisent ici”, avoue-t-il. Quelques riverains donnent en effet la même version mettant en cause l'accès en question. Ce passage est utilisé par toutes sortes de voleurs, raconte l'un d'eux affirmant avoir assisté, il y a quelque temps au désarroi d'un vendeur de tapis à qui un jeune avait demandé de lui remettre un grand tapis à montrer à sa mère. Le jeune s'était volatilisé laissant le marchand sans savoir quoi dire à son patron. Notre interlocuteur confie que tard dans la nuit, le passage sert de défilé aux belles de nuit que ramènent les voitures de luxe sans aucun respect pour les familles. Pour ce qui des vols de téléphones portables, les cas sont légion. Le tenancier d'un magasin d'alimentation générale en connaît quelque chose, lui qui est là depuis plus de trente ans. “Les femmes constituent la majorité des victimes, néanmoins les personnes d'un certain âge tombent aussi dans le piège. Les malfaiteurs n'hésitent pas en cas de résistance à user d'armes blanches. Bien sûr les policiers font leur boulot mais ils ne peuvent contrôler tous les accès d'immeubles”, dit-il. ALI FAR?S