Avis de M. Abdelhak Lamiri, expert économique Selon le Dr Lamiri, pour ce qui est des conséquences sur l'Algérie, d'un pétrole à vil prix, il faudrait envisager trois scénarios de réponse possibles, car tout dépendra des réactions des pouvoirs publics. 1- “Le scénario le plus probable : le prix du pétrole va, durant une période moyenne de 2 ans, avoisiner les 50 $. Les prix vont, selon les prévisions de l'AIE et de l'OCDE, remonter autour des 70 $. Pendant ces deux ans, on continuera en Algérie à financer les restes à réaliser du PSRE. Selon les premiers indices, les pouvoirs publics vont continuer à financer des projets d'infrastructures. Alors que les vrais chantiers ceux qu'on devrait financer, sont le développement humain, la PME et le développement managérial. Durant ces 2 ans, on aura une croissance molle autour de 3 ou 4%, alors que par la suite, le taux de chômage se stabilisera autour de 10%, durant 2 ans au moins. Viendra un temps avec un baril à 70-80 $, alors qu'une grosse partie des réserves de change aura été dépensée. Les pouvoirs publics seront contraints de financer le budget de fonctionnement en réduisant le budget d'équipement. Alors le taux de chômage tournera autour de 15% et on aura des problèmes socioéconomiques. Ceci pour le scénario le plus probable. 2- Le scénario préféré : que l'Etat cesse de financer les infrastructures, et se mette à investir dans le développement humain en créant un million de PME, en modernisant parallèlement le management des institutions. Ce ne sera qu'alors que notre économie se déconnectera des prix du pétrole. Ce scénario, parce qu'il est bon, n'aura probablement que 1% de chance de se réaliser. 3- Scénario improbable : qu'on gèle immédiatement les réserves de change, en adoptant une politique de prudence, en utilisant très peu le Fonds de régulation des recettes. On obtiendra immanquablement des retombées négatives, très vite, tout à fait insupportables pour les citoyens aux yeux desquels l'Etat dispose de richesses qu'il ne désire pas entamer. Mes recommandations : que les pouvoirs publics cessent la politique de développement par la demande, parce qu'elle n'est pas efficace en dehors des pays développés. On a importé un modèle qui ne peut pas fonctionner dans une économie en transition”. Avis du Dr Nacer Bouyahiaoui Selon le Dr Nacer Bouyahiaoui, un pétrole à bas prix aurait au moins quatre conséquences immédiates sur l'économie algérienne : 1- amoindrissement des recettes ; 2- les pouvoirs publics contraints de réviser le budget dépenses ; 3- réorientation des dépenses vers les secteurs créateurs de richesses, productifs ; 4- réduction des projets budgétaires dont la rentabilité n'est pas attendue à court ou moyen terme. Toujours d'après notre expert, “la plupart des dépenses actuelles de l'Etat sont réalisées dans le but de rattraper le retard accumulé dans le développement des infrastructures. Il n'y a pas de dépense qui oblige les pouvoirs publics à respecter des engagements vis-à-vis de certains projets dont la rentabilité n'est pas évidente et qui ne sont pas prioritaires dans le développement actuel de l'Algérie. Un faible prix du baril signifiera moins de recettes, donc moins de réserves en devises, ce qui nécessitera de puiser dans le Fonds de régulation des recettes”. “Afin que le prix du baril puisse se redresser, l'Opep devra réduire sa production de 2 millions de barils/jour au moins, afin de rétablir l'équilibre entre l'offre et la demande de pétrole actuelle, selon l'Opep. Mais, on oublie que la demande peut très rapidement fluctuer vers la baisse. On anticipe déjà une récession aux USA, au Japon et dans l'UE, ainsi qu'un ralentissement des principales économies émergentes (Chine, Inde, etc.). À mon avis, 2 mb/j de réduction ne suffiront pas à rétablir le marché ou à réorienter les prix vers la hausse, même avec la collaboration de la Russie. Les analystes et les traders s'attendaient déjà à une baisse de cet ordre dans la production Opep (-2mb/j). Il n'y aurait donc ni surprise ni impact important sur le marché qui s'est déjà réajusté par rapport à cette donne, dès la veille de la conférence Opep d'Oran. Les analystes, les traders nourrissent un doute, que je partage d'ailleurs, sur la capacité et le courage des pays membres de l'Opep d'agir solidairement tout en respectant leurs engagements afin d'influer efficacement sur les prix du pétrole. Les seuls moments où l‘Opep a pu influencer le marché, c'était en 1973-74 (1er choc pétrolier) et 1978-79 (Révolution islamique d'Iran)”. “L'Arabie Saoudite et la Russie souhaitent un prix moyen compris entre 75 et 80 $ le baril, afin de rétablir leurs équilibres budgétaires. La Russie, à cause de la crise actuelle, a vu son PIB retourner à un plus bas niveau que celui de la crise de 1998. Juste pour défendre le rouble, la Russie a dû engager 25% de ses réserves de change et se retrouve dans un urgent besoin d'argent frais pour recapitaliser ses banques”. “L'idéal pour l'Opep est d'arriver à un prix du baril raisonnable, avec un dollar fort, plutôt qu'un baril très cher avec un dollar faible. Ainsi, à titre d'exemple, le prix du baril de 1979-80 qui se situait entre 38 et 40 $, est l'équivalent d'un baril à 80-90 $ de 2008, lorsqu'on prend en considération l'inflation, etc. Un baril à 40 $ en 2008, équivaut à un baril à 18-20 $ de 1979-80”. Djamel Zidane