Un décor fait d'amalgame entre la beauté d'un coucher de soleil sur une île, d'un côté, et des dizaines de grues bougeant comme des machines de manga défiant la nature, de l'autre. Un paysage qui a tout de même coûté à l'Etat chinois la bagatelle de 6 milliards de dollars. Il y a juste six ans, le sud de Shanghai, précisément du côté des petites îles Yangshan, il n'y avait presque aucune trace de vie humaine à part quelques pêcheurs au milieu du calme des lieux. En nous y déplaçant lundi dernier pour notre première escale dans la région de Shanghai après avoir parcouru près de 300 kilomètres par route en venant de Nanjing, on ne croyait pas nos yeux tellement l'endroit a changé. On était dans une autre dimension. Un changement opéré dès 2005. Nous nous trouvions tout de même face au plus grand port en eaux profondes du monde, le port de Yangshan, et le deuxième plus long pont maritime du monde, en l'occurrence le pont de Donghai. Cette dernière infrastructure de 32,5 kilomètres de long était même classée numéro un avant d'être détrônée en juin dernier par une autre œuvre chinoise, en l'occurrence le pont de la baie de Hangzhou d'une longueur de 36 km. En quittant la terre ferme pour prendre le pont, le spectacle était déjà édifiant. Nous étions sur ce que certains ont appelée, lors de sa construction, “une folie architecturale”. Cette “folie” suscite pourtant l'admiration de beaucoup à travers le monde. Les chiffres le concernant sont d'ailleurs édifiants comme nous l'avions noté, grâce à Wikipedia : “Pour recouvrir son tablier, il a fallu 100 000 tonnes (…) 6 000 ouvriers, ingénieurs et techniciens ont été employés sur ce chantier gigantesque. Ils travaillaient et vivaient sur le pont et dans ses entrailles, à l'intérieur même des immenses poutrelles métalliques — 59 m de long, 6 m de large, 3,5 m de haut — à 20 mètres au-dessus du niveau des flots, déménageant au fur et à mesure de l'avancement des travaux. Chacun avait droit à une surface de 3,5 m2.” On ne pouvait être qu'admiratif devant le magnifique paysage qui s'offrait à nos yeux. Un décor fait d'amalgame entre la beauté d'un coucher de soleil sur une île, d'un côté, et des dizaines de grues bougeant comme des machines de manga défiant la nature, de l'autre. Un paysage qui a tout de même coûté à l'Etat chinois la bagatelle de 6 milliards de dollars. Notre étonnement était encore plus grand lorsqu'on a su qu'en face, on n'avait que le terminal numéro un, car “quatre autres sont prévus d'ici 2020”, nous dit une employée du port avec un français impeccable. Avant d'ajouter : “La première phase a été réalisée, les autres sont en cours. Le port s'étend actuellement sur une superficie de 1,5 km2. Il est prévu une extension en 2010 dans le sens d'un agrandissement pour que la superficie atteigne 2,72 km2.” Du haut d'une petite colline face à la mer de la Chine orientale, nous pouvions apercevoir les travaux de terrassement pour agrandir l'île. Il faut avouer que voir d'aussi près carrément la création d'une nouvelle terre nous a donné une sensation bien difficile à exprimer en quelques mots, mais l'admiration (même si le mot est faible) y était. Le plus grand port à conteneurs du monde, tout jeune qu'il est (il a été mis en service en 2005), est en train d'“accoucher” d'autres terminaux. Notre interlocutrice nous informe que pour la construction qui a duré trois ans et demi, les ouvriers ont dû travailler au rythme de 320 jours par an. “Les jours où ils n'ont pas travaillé, c'était à cause des conditions météorologiques défavorables.” Avant qu'elle nous précise avec une fierté non dissimulée : “L'étude, la conception et l'exploitation ont été toutes réalisées par les Chinois.” Une aiguille comme symbole Les exemples des ports de Yangshan et de Donghai ne sont qu'une partie des nombreux miracles réalisés dans la perle de l'Orient, Shanghai. Nous avons tenté d'en “toucher” quelques-uns. Le soir même, nous nous sommes dirigés vers la rue piétonne de Nanjing. Longue de plus de 5 km, c'est la principale artère commerçante de la ville et même du pays. Les magasins étaient ce soir-là assaillis. On constatait bien l'approche de Noël avec les nombreux sapins géants annonçant une fête qui visiblement n'intéresse pas seulement les touristes occidentaux. La foule de piétons et les enseignes verticales superposées et aussi les nombreux jeux de lumières ont failli nous étourdir. Si à la rue Nanjing, le vertige nous a épargnés, il était par contre au rendez-vous le lendemain. C'était au sommet de ce qui est considéré comme le symbole de Shanghai, la tour de la perle (Shanghai est aussi appelée la perle de l'Orient). Haute de 468 mètres, en forme d'aiguille traversant 3 sphères, elle a été construite en 1994. Elle est la troisième tour de télécommunications au monde (après la tour nationale du Canada, 553 mètres, et la tour Ostankino russe, 577 mètres), “mais la notre est beaucoup plus belle ; en tout cas c'est la plus grande en Asie”, nous dit toute souriante et dans un français assez approximatif une jeune Chinoise rencontrée sur place. Pour y arriver, il a fallu prendre (avec un groupe de touristes chinois très bruyant) un ascenseur qui monte à une vitesse de 7 mètres/seconde et pour lequel la jeune Chinoise a donné un nom : “En Chine, on a l'AGV, l'ascenseur à grande vitesse.” Des chantiers à profusion La vue panoramique dont on pouvait profiter à partir du sommet de la tour nous permettrait de voir, certes, les nombreux édifices de Shanghai, dont la tour de Jin Mao (haute de 21 mètres), mais on pouvait aussi y distinguer d'innombrables chantiers en cours. C'est que Shanghai se prépare à un grand rendez-vous international dans moins d'une année et demie. Il s'agit de l'Exposition universelle. Un événement considéré par les Chinois comme des JO bis et pour lequel le paquet est mis depuis plusieurs années déjà. Cette Expo 2010 est aussi une manière pour Shanghai de prendre sa revanche, elle qui a à cœur de montrer qu'elle peut organiser, à l'instar de Pékin, de grands événements. Si lors des jeux Olympiques de l'été dernier, elle n'a eu que les compétitions de football à organiser, cette fois le centre d'intérêt sera elle et elle veut le montrer. De toutes les villes et régions que nous avons visitées au cours de notre périple, c'est seulement à Shanghai que nous n'avons pas trouvé de trace de Fuwa, la mascotte des JO. C'est une autre qui l'a remplacée. Sur les vitrines des magasins, sur les panneaux publicitaires, les spots publicitaires, place maintenant à une nouvelle star. Elle s'appelle Haibao, soit l'enfant chérie, et elle a un grand succès auprès des touristes. Il suffisait de voir comment les poupées à son effigie s'arrachaient au niveau du marché Cheng Huang Miao (le plus connu de Shanghai) par les touristes, et aussi par les Chinois, pour déjà imaginer l'effet qu'aura l'Expo 2010. Selon le quotidien local Shanghai Daily, 179 pays ainsi que 44 organisations internationales ont confirmé leur participation, et les organisateurs s'attendent à 70 millions de visiteurs. Avec pour slogan “Une vie meilleure, une ville meilleure”, l'Expo se déroulera sur une surface de 5,28 kilomètres carrés. Ce qui est un record pour ce genre de manifestation. Ce n'est d'ailleurs pas la seule prouesse. Pour la première fois, la Chine prépare une manifestation internationale en ayant recours au privé via des obligations. Ainsi, 4 milliards de yuans d'obligations ont été émises il y a près de deux ans par la société foncière de l'Exposition universelle. Les fonds dégagés par ces obligations vont être utilisés dans la construction des principaux bâtiments de l'Expo qui se tiendra du 1er mai au 31 octobre 2010. Ce rendez-vous est aussi pour l'Etat chinois une autre occasion pour montrer au monde ce que le pays peut faire et montrer que la réussite des JO 2008 n'était que le début d'une ascension de plus en plus perceptible. 30 km en 7 minutes Comme si elle voulait montrer que ses atouts sont infinis et étendus, Shanghai nous a encore surpris lorsqu'on devait la quitter. Pour rejoindre l'aéroport de Shanghai Pudong, nous avons pris à partir de la station Long Yang Road (distante de 30 km) le fameux Transrapid. Encore un rendez-vous avec la modernité. Il s'agit ni plus ni moins de la première ligne Maglev (à sustentation magnétique) à usage commercial du monde qui est entrée en service en 2004. En 7 minutes, nous avons pu rejoindre le magnifique aéroport international de Shanghai avant de rentrer au pays. Il a fallu pour cela faire une escale par Paris. Ce qui nous fait rappeler qu'à partir du 22 février prochain, une annonce faite dernièrement par le P-DG de la compagnie nationale, Air Algérie lancera la ligne Alger-Pékin. S. K.