Voici donc venu le temps des vaches maigres ! C'est le président de la République qui sonne l'alerte. On nous disait pourtant hors de portée des effets de la crise financière internationale. Puis insensibles au prix du pétrole jusqu'à 60, 40, 30, voire 20 dollars, du moins pour trois ans. Nous en sommes finalement, et malgré la gestion parcimonieuse et précautionneuse de nos devises, touchés. Mais en serons-nous tous affectés ? Et le serons-nous dans les mêmes proportions ? Si tel est le cas, cela signifiera que la rente, en plus d'avoir été gérée avec circonspection, nous aura profité dans une égale mesure. Car, enfin, le péril du temps des “vaches maigres” ne vaut-il que pour les bénéficiaires du temps de la “vache à lait” ? Il y a près de dix ans, “le candidat du consensus” nous invitait à retrousser les manches et nous promettait de la sueur. Mais après son élection, le pétrole n'a fait qu'enchérir. Le pouvoir n'a pas eu besoin de notre peine et n'a rien fait pour nous mettre au travail. Par infortune, l'embellie financière, comme on disait à l'époque, a déprécié le capital humain. Les engagements financiers devenaient, par leurs montants, des arguments politiques : tant de milliards, toujours revus à la hausse pour le programme de relance de l'économie, puis pour le programme de relance de la croissance, pour le Sud, pour les Hauts-Plateaux ; et les chiffres des réserves de change se transformaient en slogan régulièrement réévalué. Il y a dans cette aisance financière, finalement passagère, une partie des raisons de l'insouciance qui a marqué, ces dernières années, la gestion de l'économie nationale : un Etat qui dispose d'une fiscalité extra-économique peut-il se soucier de la création d'entreprises et d'emplois et de leur développement ? Tant qu'il y avait de quoi gratifier tous les lièvres, toutes les associations, toutes les zaouïas, tous les “Mouloudias” et toutes les “Ententes”, bref tout ce qui pouvait rassembler quelques comités pour faire office de forces de soutien… Pour ces groupements, c'est sûr, c'est le temps des vaches maigres. Et il ne serait pas étonnant de les voir renoncer à leur engagement, jusqu'ici remarquable, pour l'intérêt général. D'ailleurs, on entend déjà certains d'entre ces présidents de club et d'association brandir la menace de démission. Les organisations de soutien et de “masse”, seules, font encore de la résistance. Dans une économie de campagne électorale, il faut s'attendre à la débandade, lorsque vient la fin des haricots. Les enseignants et les médecins, dont on vient de “ponctionner” les salaires pour observation de journées de grève, se ressentiront-ils de la cachexie aqueuse, cette maladie qui amaigrit les vaches, eux qui n'ont pas profité de la bonne santé bovine ? Peut-être que la mauvaise nouvelle affecterait les “élus” aux augmentations qui ont touché certaines institutions de pouvoir, si tant est qu'ils considèrent que leurs nouveaux salaires ne les mettent pas pour assez longtemps à l'abri du besoin. Il n'y a pas de doute : la crise est là. Notre pays en est relativement épargné parce qu'il est hors circuit du système financier mondial. C'est la nature rentière de son système politico-économique qui le sanctionne. Socialement, elle ne sanctionne que les privilégiés de la rente. Les autres sont déjà sanctionnés. M. H.