Les habitants de la cité Ibn-Khaldoun (1200-Logements) de Boumerdès se relèvent petit à petit du choc causé par le séisme du 21 mai dernier. Plus de trois semaines après la catastrophe, la population n'est toujours pas renseignée sur son sort immédiat, même si les autorités nationales et locales avancent l'idée d'une prochaine installation dans des chalets et même d'un premier lot de plus de 5 000 chalets qui concernera un certain nombre de communes de la wilaya de Boumerdès. Aujourd'hui, beaucoup de voix s'élèvent dans les différents sites d'hébergement des sinistrés du chef-lieu de wilaya, pour exprimer leurs inquiétudes et leurs appréhensions sur l'après-séisme. “Les gens ne veulent pas quitter la ville de Boumerdès. Celle-ci se confond avec leurs rêves et leur vie”, confie un des représentants de la cité des 1200-Logements. Selon lui, cette commune devrait connaître “un traitement particulier”, dans la mesure où les habitants sont “propriétaires” de leur logement et qu'ils ont jeté leur dévolu sur cette ville pour des raisons liées notamment aux commodités, à l'environnement “scientifique” et à la proximité avec la capitale. “Boumerdès existe depuis quarante ans. C'est la seule ville en Algérie qui a un caractère scientifique et qui regroupe le plus grand nombre d'universitaires et de cadres. Je pense que c'est une raison suffisante pour reconstruire la ville et fixer le potentiel humain scientifique”, déclare cet enseignant universitaire. Puis d'ajouter plus loin : “Dans tous les pays qui se respectent, on a besoin de villes scientifiques. L'Etat ne peut pas se cacher derrière les coûts, car une ville scientifique n'a pas de prix. Je vous dis cela car j'ai peur qu'on disperse les enseignants, qu'on ne prenne pas en compte la particularité de la composante humaine, sous le prétexte qu'il y a eu séisme et qu'il faut répondre aux urgences aveuglément.” Pratiquement, les mêmes arguments sont avancés par d'autres propriétaires de la cité Ibn-Khaldoun, qui mettent aussi en avant “les sacrifices consentis pour acheter l'appartement”, la préservation d'un tissu urbain et les relations que celui-ci a fait naître depuis de longues années. “Nous ne voulons pas être doublement sinistrés”, révèle une mère de famille, estimant avoir “payé le prix fort” pour stabiliser ses enfants, aujourd'hui devenus adultes, et leur offrir des “repères relativement sains”. D'autres interlocuteurs, pour la plupart des cadres et des techniciens supérieurs, se sont également exprimés sur la gestion des camps de toile, ne cachant pas leur déception devant “la passivité” des sinistrés et cette mentalité de “dar el-beylik”, qu'ils assimilent à “l'esprit d'assistanat”. “Nous n'arrivons pas vraiment à nous prendre en charge. Il y a trop de passivité et d'inertie. Je ne sais pas si c'est dû à cette situation exceptionnelle et au choc subi”, souligne un cadre de la SNVI puis de révéler qu'il a fallu engager des femmes de ménage et de les payer avec les cotisations des familles sinistrées, afin de “gérer le grand problème des sanitaires”. Un autre cadre de Sonatrach a, quant à lui, fait part des “attentes” de la population. “Nous avons besoin de réponses claires des autorités. Nous avons besoin de repères concernant les délais de relogement. Les gens peuvent patienter à condition de connaître les échéances. Certains sont même prêts à mettre la main dans leur poche pour contribuer à la reconstruction de leur logement, rapidement et selon les vraies normes de construction”, dit-il. Notre interlocuteur a, par ailleurs, interpellé la presse nationale, lui demandant d'aller à la rencontre des sinistrés de Boumerdès. “Nous avons besoin de rencontrer nos journalistes, pour leur confier ce qu'on a sur le cœur. Nous voulons leur parler de l'incapacité des élus, de nos espoirs et même de notre façon de voir l'après-séisme. Nous avons beaucoup d'idées à communiquer, comme par exemple le lancement du projet de librairies itinérantes, notre conception de l'urbanisation et notre approche sur la prise en charge des sinistrés”, conclut-il. H. A.