La crise financière mondiale doit être considérée comme une opportunité de repositionnement. “La solution à la crise ne doit pas se limiter à la question de disponibilité dans le temps de réserves de change. Toute solution doit être structurelle et passer par la diversification de l'économique et des exportations.” C'est ce que les participants aux journées d'étude sur «le rôle des Etats et leur intervention dans les économies nationales” ont recommandé comme réponse possible de l'Algérie à la crise financière internationale. En matière de constat, la crise internationale peut affecter l'économie nationale à travers la baisse de la demande mondiale des hydrocarbures et leur prix à court et moyen terme, un développement des énergies renouvelables de substitution aux hydrocarbures, une probable baisse d'investissement direct étrangers entrant dans le pays et, enfin, une contraction des débouchés sur les marchés internationaux pour les activités potentiellement exportatrices. L'ensemble des intervenants a souligné l'importance du rôle de l'Etat et de celui que peuvent jouer la stratégie industrielle et le redéploiement du secteur public dans certaines branches d'activités. “La diversification de l'économie implique également le développement du secteur privé. Dans ce cadre, la politique de mise à niveau constitue une dimension essentielle de développement de ce secteur”, lit-on dans les rapports des travaux des journées d'étude. M. Rafik Bouklia-Hassane, maître de conférences à l'université d'Oran, a relevé que parmi les pays pétroliers, l'Algérie est celui dont les exportations sont les plus concentrées sur les hydrocarbures. L'Algérie est également marquée par une faible diversification économique par rapport aux économies pétrolières. Les participants ont indiqué que “l'une des façons les plus probantes pour faire face à la crise d'aujourd'hui est d'affermir de façon urgente notre politique agricole afin de relever les défis relatifs à notre sécurité alimentaire sur la longue période”. Pour Mohamed Bahloul, économiste et directeur de l'Institut de développement des ressources humaines (IDRH), “la bonne question est de savoir non pas quelles sont les retombées de la crise sur notre pays, mais plutôt quelles sont les opportunités de l'Algérie dans le contexte de la crise”. Le directeur de l'IDRH parle “de meilleures opportunités” pour l'Algérie. C'est une occasion “de revoir toutes les fautes stratégiques de restructurations faites, y compris les accords de libre-échange signés”, affirme M. Bahloul. “C'est un débat qu'il faut ouvrir vite, en pensant à l'intérêt du pays”, a-t-il précisé. La secrétaire générale du Parti des travailleurs, Mme Louisa Hanoune, demande elle aussi la révision de l'accord d'association signé avec l'Union européenne. Elle a estimé, par ailleurs, que l'adhésion de l'Algérie à la zone arabe de libre- échange n'est pas justifiée. Intervenant lors du débat, le patron de Cevital, M. Issad Rebrab, affirme que cette crise ne lui fait pas peur. C'est plutôt “le fonctionnement du système économique algérien” qui suscite son inquiétude. M. Rebrab estime que la crise “peut être une opportunité d'action”. “Les autorités algériennes et les hommes d'affaires doivent considérer cette crise comme une opportunité de repositionnement”, a-t-il indiqué. “Pour cela, nous avons besoin de stabilité et d'unité. Nous devons unifier nos forces et retrouver la sérénité et surtout la confiance mutuelle. Nous avons un grand problème de confiance mutuelle. Il nous faut extirper la méfiance et la suspicion qui nous ont souvent paralysés face à l'adversité. En faisant cela, nous allons renforcer notre confiance en nous-mêmes et donner l'espoir aux nouvelles générations”, a souligné le patron du groupe Cevital, demandant à ce que “le dialogue entre les responsables de l'Etat et les hommes d'affaires soit institutionnalisé et enrichi pour surmonter le grand déficit de communication” qui a caractérisé les efforts de chacun. “Si nous arrivons à faire tout cela, tous les espoirs sont permis”, a indiqué M. Rebrab, relevant que “l'Algérie recèle en réalité de très grandes potentialités”. “Nous pourrions connaître une croissance à deux chiffres sans aucun problème”, a-t-il affirmé. “Nous avons toutes les possibilités d'augmenter nos exportations. C'est à notre portée. Il faut qu'on arrête de sous-estimer les Algériens. De dire on n'a pas d'entrepreneurs. Si vous dites à vos enfants, vous êtes incapables, ils deviendront incapables un jour. Au contraire, il faut essayer d'encourager les Algériens au lieu de leur dire que vous êtes incapables”, plaide le patron de Cevital, dont le groupe n'a aucun problème pour placer ses produits sur le plan international. “En matière d'huiles végétales, Cevital est exportateur. Concernant le sucre, le groupe va exporter plus de 50% de sa capacité de production. 70% de la production du verre plat sont destinés à l'exportation”, relève-t-il. Seulement, souligne M. Rebrab, “pour exporter, il faut produire. Pour produire, il faut laisser l'entreprise produire. Il faut libérer les initiatives. Il faut laisser les investisseurs créer des entreprises”. “Il y a aujourd'hui plusieurs projets industriels bloqués depuis des années”, regrette le patron de Cevital. Le foncier industriel est dix fois plus cher que dans les pays voisins. L'Algérie est le seul pays où les entrepreneurs n'ont pas le droit d'investir à l'étranger, même si la loi sur la monnaie et le crédit le prévoit. “Mais au niveau de la Banque d'Algérie, on vous dit que même Sonatrach, on ne l'a pas autorisée à investir à l'étranger. Comment voulez-vous aujourd'hui développer notre économie si d'abord nous ne faisons pas l'analyse de nos préoccupations, de ce qui ne va pas chez nous ?” estime le patron de Cevital, appelant à une plus grande communication entre les autorités et les entrepreneurs. M. Issad Rebrab a posé aussi le problème des ressources humaines. “Il n'y a aucun pays au monde qui s'est développé sans le développement humain”, précise-t-il, suggérant que le gouvernement se concentre sur cet aspect. “Revoyant notre système éducatif. Ouvrons-nous aux langues universelles, même pour enrichir nos propres langues”, lance le patron de Cevital. Le ministère de l'Industrie et de la Promotion des investissements reconnaît qu'“en matière de développement, l'immense problème est celui de la ressource humaine”. En tout état de cause, M. Temmar a annoncé que les conclusions tirées des deux jours de débats seront soumises au gouvernement. M. R.