Nommé en décembre, Nacer Meddah a pris ses fonctions lundi à la tête du département de Seine-Saint-Denis, celui qui abrite la communauté immigrée la plus importante de France. Le haut fonctionnaire, à l'extraordinaire parcours, a quand même tenu à “banaliser” sa nomination et à se présenter comme un “préfet ordinaire”. D'origine algérienne, orphelin très jeune, après le décès de son père, M. Meddah, 49 ans, a connu une réussite qui ne doit rien à la “discrimination positive”. Entré en 1984 par voie de concours dans l'administration, sans avoir fait de grande école, M. Meddah, père de deux filles, a travaillé au Trésor, aux Affaires européennes, à la représentation française auprès de l'UE, avant d'intégrer, en 2002, la cour des comptes. Il était, depuis septembre, conseiller du coordinateur du renseignement à l'Elysée. Lors de sa prise de fonctions, il a promis d'être “disponible”, “sur le terrain”, “attentif” et “naturel”. “J'arrive avec beaucoup d'enthousiasme et de cœur” avec l'ambition que “l'expérience que j'ai acquise ailleurs soit utile” en Seine-Saint-Denis, “un département qui rassemble beaucoup de richesses”, a-t-il dit. Se disant “fier” de ses origines algérienne et ouvrière, il se présente néanmoins comme un républicain et un laïc en réponse aux associations qui ont salué la nomination d'un préfet “musulman” dans un département où l'islam est la première religion. En 2005, Seine-Saint-Denis s'est fait connaître dans le monde par la violence des émeutes qui avaient conduit le gouvernement à décréter l'état d'urgence pour la première fois depuis la fin de la Guerre d'Algérie. À Paris, “on me dit : bon courage, comme si j'allais en pénitence”, remarquait-il récemment dans son bureau de conseiller de Bernard Bajolet, le coordonnateur du renseignement à l'Elysée et ex-ambassadeur à Alger. Aller à Bobigny “est un privilège”, affirmait-il. Entré comme attaché dans l'administration en 1984, il dit y avoir toujours été “jugé aux résultats”. “Il faut bâtir une crédibilité sur une compétence”, “bosser ses dossiers”. Orphelin de père, benjamin d'une famille de quatre enfants élevés “par une mère courage comme il y en a beaucoup”, Nacer Meddah a été “ce qu'on appelait un élève méritant”, envoyé l'année du baccalauréat au lycée français de Londres. Encouragé par le service des pupilles à poursuivre ses études, il prend un poste de maître d'internat, après de nombreux petits boulots (“jardinier, aide-cuisinier, bibliothécaire, magasinier”), passe une licence d'histoire et Deug de droit. À la Défense, puis au Trésor, il dit apprendre “à connaître très rapidement” les “codes” des élites travaillant dans les ministères, les “réseaux”. Marié à une juge, il est père de deux adolescentes. “On met en avant mes origines kabyles mais ma vraie originalité, ce sont mes 30 ans d'expérience dans des environnements très différents”, insiste Nacer Meddah en égrenant sa carrière, “tout sauf linéaire” : jamais plus de trois ans à un poste, d'importants dossiers (affaires européennes, entreprises publiques), des rencontres “avec des hommes qui comptent”, comme Philippe Seguin, dont il fut le secrétaire général adjoint à la cour des comptes. La Seine-Saint-Denis est “un challenge de plus”. “Je serai attentif aux autres”, “disponible” mais, ajoute-t-il sur un ton déterminé, “je parlerai un langage de vérité, l'Etat doit faire respecter son autorité, il y a des droits et des devoirs”. Nacer Meddah est la deuxième personnalité algérienne à accéder au rang de préfet en France. En 2004, la nomination d'Aïssa Demouche qui dirigeait alors une grande école de commerce s'était faite dans un climat de controverse. M. Demouche avait demandé à quitter ses fonctions pour cause de maladie. Le mois dernier, en pleine obamania, le président Sarkozy avait nommé un premier préfet d'origine africaine. Amer OUALI