Depuis l'interruption des faisceaux télé pirates, les Algériens se sont réconciliés avec leurs ancêtres, les corsaires, pour devenir des pirates de haute voltige. Codes, démos flashés, décodeurs, téléchargement par Internet, cartes clonées… tout l'arsenal du bidouillage numérique y passe. Dans une Algérie dénuée de loisirs, le débat sur les cartes de télévision frôle la raison d'Etat. Peuple téléphage par excellence, les Algériens guettent les offres télé comme celle de Canal + qui s'aventure une nouvelle fois sur un marché singulier. Si le budget consacré au téléphone portable est devenu la première dépense familiale, il est fort à parier que celui consacré à l'abonnement télé ne doit pas être loin. Le groupe Canal+, fort de son expérience amère de Canal Horizons, revient sur le marché maghrébin avec une offre sélectionnée selon des critères qui laissent perplexe le consommateur algérien. Depuis l'interruption des faisceaux télé pirates, les Algériens se sont réconciliés avec leurs ancêtres, les corsaires, pour devenir des pirates de haute voltige. Codes, démos flashés, décodeurs, téléchargement par Internet, cartes clonées… tout l'arsenal du bidouillage numérique y passe. Un langage que connaît aussi bien l'intellectuel que le maçon. Mais depuis que l'Europe a eu la fâcheuse idée de crypter l'écran, les Algériens éprouvent un terrible et fascinant sentiment d'abandon. Le rapport freudien qu'a l'Algérien avec sa télé s'explique de différentes manières. On ne reviendra pas sur la cataclysmique télévision nationale qui est en train de défier la télé libyenne ou soudanaise, ni sur les chaînes arabes qui ont eu tout le loisir de combler le vide télévisuel, ni encore sur les jours bénis de l'analogique où les chaînes françaises étaient à portée de zapettes ; la consommation télé de l'Algérien n'a eu cesse de s'adapter à un univers audiovisuel marqué par l'accès payant et la marginalisation des peuples sans pouvoir d'achat. La fameuse fracture numérique entre le Nord et le Sud trouve un formidable écho dans cette frénésie sur les cartes d'abonnement TV. Le consommateur algérien a créé une sorte de lien optique avec les chaînes étrangères au point de revendiquer leur consommation comme un droit universellement admis. Canal+ ou toute autre offre TV doit prendre en compte cette mutation culturelle vue du Sud. L'Algérien n'étant pas un téléphile lambda ou un banal mateur de programmes. Il est devenu, par la force de l'informel audiovisuel, un client exigeant, accroc et dépensier. De quoi en faire le client idéal. M. B.