Abdelkader Messahel a provoqué un débat au sommet de l'Union africaine en dénonçant “l'usage abusif du principe de compétence universelle de certaines justices nationales” en Europe. Qu'ils agissent en groupes d'Etats ou en organisation régionale, les régimes africains ont généralement répondu par la solidarité dans presque tous les cas de mise en cause d'un de leurs responsables par une juridiction extra-africaine, qu'elle soit nationale ou internationale. Est-ce au représentant de l'Algérie d'introduire le thème de la “compétence universelle des justices nationales” dans le débat africain ? L'affaire du diplomate Hasseni, qui sert de prétexte à l'initiative, ne constitue pas un cas d'usage de la compétence universelle d'une justice nationale, les faits s'étant déroulés en territoire français. C'est donc la culpabilité ou l'innocence de Hasseni qui sont en cause, pas la compétence du tribunal français. À l'évidence, notre diplomatie en prend simplement prétexte pour continuer à voler au secours de Omar El-Bachir. S'agit-il donc de faire l'amalgame entre des types d'affaires de natures différentes pour défendre, conformément au zèle tiers-mondiste et arabiste, dont nous sommes coutumiers, le président Omar El-Bachir menacé par un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale ? L'Afrique, qui rejette l'inculpation du président soudanais et revendique le droit de résoudre souverainement ses crises, n'a pas empêché que les déplacements et les tueries se poursuivent en 2008. C'est le seul réflexe de syndicat de chefs d'Etat de l'Union africaine qui explique cet élan de solidarité quand il s 'agit de crime d'un dirigeant en exercice. Si l'on excepte le cas du président Taylor du Liberia, l'Afrique ne juge pas non plus les responsables déchus quand ils sont confondus de crimes contre l'humanité. Le cas de l'ancien dictateur tchadien Hissen Habré est, à ce sujet, édifiant : inculpé en 2000, il attend toujours d'être jugé par le Sénégal, seul pays africain qui accepte que sa justice tienne de tels procès, “pour qu'un chef d'Etat africain ne soit pas jugé à l'extérieur”, dit le président Wade. Mais faute de financement de l'UA, le président Wade attend que … “l'Union européenne et Sarkozy” tiennent leurs promesses de participation au budget de cet éventuel procès. L'UA ne s'est donné ni une doctrine ni les moyens d'une justice pénale africaine. Elle ne peut tout de même pas opposer l'impunité des crimes de dirigeants qui, pour l'heure, la caractérise, pour se défendre de l'ingérence judiciaire ! Comme par un fait d'ironie de l'histoire, c'est au moment où Al-Kadhafi prend la présidence de l'Union que la question d'intervention de justices étrangères au continent est soulevée. Or, la Libye s'est déjà volontairement soumise à une juridiction internationale, après avoir dédommagé des victimes d'attentats contre des avions civils, reconnaissant ainsi sa responsabilité et la compétence de ces instances pour juger les exécutants. L'exercice africain qui débute n'est assurément pas le plus propice pour poser la question de la justice internationale. M. H.