De retour d'Akbou, dans la wilaya de Béjaïa, où il avait eu à co-animer un meeting populaire et à participer à la commémoration du second anniversaire de l'assassinat d'un jeune martyr, Belaïd Abrika a été au rendez-vous, jeudi soir, avec les populations d'Illoula Oumalou et de Fréha qui l'ont chaleureusement accueilli, dix jours après sa sortie de prison. “Nous allons violer l'injustice pour instaurer la justice”, a-t-il déclaré à propos de son contrôle judiciaire et du retrait de son passeport, en réaffirmant encore qu'il refuse de se soumettre à la justice en assumant cette décision, quitte à retourner en prison. Belaïd Abrika qui s'attaquera au pouvoir et à ses alliés dira que les élus doivent être délogés, notamment à Illoula Oumalou où le nombre de votant a été insignifiant. En revenant sur le problème de la seconde session du baccalauréat, l'orateur accusera Zerhouni qui pourtant, il n'y a pas si longtemps, s'est déclaré non-raciste. “Zerhouni n'est que raciste car, comment expliquer que la Kabylie a été privée d'une seconde session du bac, alors qu'elle est sinistrée ? Il faut nous mobiliser pour l'arracher car, en 2001, nous l'avions arrachée pour toute l'Algérie”, déclarera-t-il à la foule. “Nous n'abandonnerons pas nos lycées” Sur un ton plus virulent, il dira que si le pouvoir, hier, était à genou, aujourd'hui il est à plat ventre. “26 mois de combat, c'est long aussi pour le pouvoir”, martèlera-t-il, en indiquant que “les enfants nés en avril 2001 crient aujourd'hui : Pouvoir assassin”. Il poursuivra : “Au passage de notre caravane dans les régions sinistrées, les enfants scandaient : “Pouvoir assassin”, “Ulac smah ulac” et “Vive les archs !”. Nous sommes sur la bonne voie, et cela ne peut que nous encourager à poursuivre le combat coûte que coûte. Les générations qui arrivent seront encore plus hostiles à ce système corrompu”. Concernant l'invitation de Ahmed Ouyahia au dialogue, Belaïd Abrika soulignera que tant qu'il n'y a pas de vraies garanties quant à la satisfaction de la plate-forme d'El-Kseur, tant qu'il n'y aura pas de communiqué officiel annonçant sa satisfaction pleine et entière, il n'y aura pas de dialogue, car “le pouvoir, c'est trop, le pouvoir nous a toujours bernés, depuis 1962. Cette fois-ci, nous voulons du concret, nous voulons un vrai changement”. À Illoula Oumalou, où la première plate-forme de revendications au déclenchement des évènements sanglants a été élaborée, les différents intervenants durant le meeting ont déploré l'absence de coordination locale, alors que la région répond toujours aux mots d'ordre du mouvement citoyen. El-Hadj Amar qui a rendu hommage à cette région martyre, berceau de toutes les révolutions (54-62, 63, Printemps noir, etc.), s'est attaqué aux élus, en les traitant de “voyous”. Il racontera ensuite l'anecdote de son fameux échange de propos avec Bouteflika dans la Grande Mosquée d'Alger le jour de l'Aïd en disant : “Finalement, c'est lui qui est revenu sur la bonne voie en libérant nos détenus !” Un jeune d'Illoula Oumalou prendra la parole pour dénoncer à son tour les “indus élus” et le pouvoir, qui organisent un tournoi de football pour se légitimer. “Depuis 1962, le pouvoir n'a jamais penser organiser une quelconque festivité. Pourquoi aujourd'hui ? Parce qu'il veut briser le mouvement citoyen”, accusera-t-il. Khaled Guermah est intervenu ensuite pour dénoncer la détention des délégués pendant huit mois et appeler à l'union, après une brève allocution du père de M'henna Meziani, martyr du Printemps noir d'Illoula Oumalou, qui a salué la libération des détenus du mouvement citoyen. À Fréha, Rachid Allouache dira que, malgré les huit mois de prison, il n'a rien subi comparé aux 123 martyrs du Printemps noir, devant le courage des jeunes qui, poitrines nues, ont affronté les balles assassines des gendarmes, et devant les milliers de blessés. À ce propos, il réitérera l'exigence du départ des gendarmes qui n'ont toujours pas quitté la localité de Fréha. Le délégué Brahim de Mekla reviendra, quant à lui, sur l'affaire des jeunes détenus de sa localité que le pouvoir, profitant de l'occasion de l'assassinat d'un policier, a arbitrairement incarcérés car proches ou membres du mouvement citoyen, en exigeant leur libération. Farès Oudjedi, délégué de la CICB, était aussi de la partie. En prenant la parole, il qualifiera le mouvement citoyen d'être l'un des plus grands mouvements dans l'histoire de l'humanité, le second après celui qui a libéré notre pays de l'occupation française. Il commentera longuement l'invitation de Ouyahia au dialogue, en essayant de faire comprendre la conjoncture de l'appel formulé à l'adresse du mouvement citoyen. “Pourquoi aujourd'hui ?”, s'interrogera-t-il. Et de répondre : “Parce que l'échéance présidentielle approche.” Il dira à ce propos que le vote n'aura pas lieu tant que la plate-forme d'El-Kseur n'a pas été satisfaite. L'invitation intervient aussi dans une conjoncture où la situation sociale est explosive (chômage, séisme...). “Bouteflika a promis des logements pour les sinistrés de Boumerdès et Alger avant l'hiver, c'est une promesse sans lendemain car ceux d'Ath Ouartilane, Béni Maouche, Aïn Témouchent et même ceux de Chlef restent sans logements, malgré toutes les promesses”, accusera-t-il en prédisant un mouvement de protestation qui fera jonction avec le mouvement citoyen. La conjoncture est par ailleurs caractérisée par la pression des ONG et des Etats du monde et la libération de Ali Benhadj et Abassi Madani qui pourrait générer une dynamique islamiste. Farès Oudjedi estime que le mouvement doit se poursuivre dans la rue et non sous les parasols, en appelant la population à rester mobilisée pendant l'été. Il fera part ensuite de la position de la CICB, après l'appel de Ouyahia, en exposant les préalables qui pourraient éventuellement conduire à un dialogue, pas autour de la plate-forme d'El-Kseur, mais pour sa mise en œuvre. Les préalables sont la libération des détenus, l'arrêt des poursuites judiciaires, l'annulation de toutes les décisions de justice et l'ouverture des champs médiatiques et publics. La plate-forme d'El-Kseur demeure scellée et non négociable et l'union s'est faite avec le sang, celui qui tente de la briser ne sera pas pardonné. En prenant la parole en dernier, à Fréha, Belaïd Abrika clamera haut et fort que le mouvement citoyen est une force incontournable, que le pouvoir a fini par comprendre, 26 mois après, et que le mouvement est “trop fort”. L'orateur, en revenant sur les arrestations au lendemain des élections locales du 10 octobre, les expliquera par le fait que Zerhouni n'a pu supporter l'échec infligé par l'opération “Zéro votant” qui était une totale réussite pour le mouvement citoyen. “Il n'y aura pas de retour à la base, dira-t-il pour répondre à Ouyahia, car la ligne et les principes du mouvement sont clairs. Nous ne serons que partie prenante dans la mise en œuvre de la plate-forme d'El-Kseur que nous superviserons”, conclura-t-il. Deux autres meetings se sont déroulés hier soir à Larbaâ Nath-Irathen et Ath Bouchaïb. K. S.