Bien que les pouvoirs publics fassent de la résorption de l'habitat précaire leur cheval de bataille, dans de nombreuses communes de la wilaya de Tizi Ouzou, les occupants des bidonvilles vivent toujours dans des conditions qui frisent la misère. Parfois, des familles entières sont “parquées” dans des hangars en attendant qu'un jour elles soient recasées quelque part. Tizi Gheniff, située à 50 km au sud de Tizi Ouzou, est l'une de ces municipalités où ce problème n'a trouvé aucune issue malgré les promesses des autorités à éradiquer ce phénomène de manière définitive. Dès qu'on arrive dans cette ville, des projets de réalisation de logements attirent l'attention. On croirait que tout va pour le mieux. Mais, juste à quelques encablures de la daïra ou encore dans la mairie, des familles vivent encore sous des tentes implantées dans les hangars de l'ex-CAPCS, depuis maintenant trois ans, livrées à elles-mêmes. Renseignements pris, nous avons pris attache avec un citoyen faisant partie de ce collectif qui a voulu nous dévoiler quelques vérités au sujet du RHP à Tizi Gheniff d'autant plus que ce dossier n'a pas encore livré tous ses secrets. Nous nous sommes donc rendus sur les lieux mêmes de cette angoisse au quotidien, de cette mal-vie qui ne dit pas son nom en cette période hivernale. Avant d'entendre notre guide, il est bon de rappeler qu'un citoyen y avait trouvé la mort par électrocution en essayant de rétablir le courant électrique. “Nous sommes les habitants de la cité située à proximité de la brigade de gendarmerie. Nos habitations ont été démolies rapidement dans des conditions obscures alors que nous croyions avoir des logements dans des délais raisonnables, mais avec le temps nous nous sommes retrouvés dans les conditions que vous voyez”, nous a-t-il éclairé au début. Froid, promiscuité et misère sociale… Notre guide nous accompagne dans ces hangars qui abritent ces familles livrées à leur sort. “Nos parents ont commencé à réclamer des toits décents en 1974 après les inondations qu'avait connues la région. Mais personne ne les avait écoutés. Il a fallu attendre mars 2005 pour que l'APC prétendit être juste et charitablement équitable pour nous trouver une solution”, nous a confié ce guide. Et d'ajouter : “Les engins démolirent nos habitations de fortune en mettant toutes les familles dans ce site de recasement pour une période de six mois, mais voilà trois ans que nous sommes ici abandonnés par notre pays dans notre pays”. Un peu plus loin, un autre résident nous invite à visiter l'une des tentes. C'est la triste réalité. Aucune commodité. Plus loin, de petits bambins déguenillés, vêtus sans doute avec des habits acquis chez les fripiers tapent sur une balle toute trouée. Notre guide de peur de représailles ne dévoile pas son identité, mais il déverse toute sa colère sur les membres de l'association qu'il accuse d'avoir exploité l'ignorance des habitants à leur profit. “Les membres de ladite association occupèrent les bureaux de la CAPCS et parquèrent le reste des familles dans des tentes”, a affirmé cet interlocuteur. Interrogé si les 74 familles vivaient toutes sous des tentes, notre guide nous a appris que 22 d'entre elles ont préféré squatter des logements sociaux de l'OPGI tandis que d'autres étaient accueillies par les proches dans leur village. Un autre résident intervient pour poser des questions. “Pourquoi avez-vous approuvé et signé l'arrêté de démolition alors qu'aucune garantie ne vous a été donnée par l'administration ? Pourquoi quelques jours après des particuliers apparurent pour chercher les actes de propriété de leurs lots de terrain achetés au sein même du site dans l'opacité totale ?” Ce sont ces questions qu'il a voulu poser aux responsables de l'association qu'il dit n'apparaissant plus sur le terrain. “Ils ne représentent qu'eux-mêmes”, a-t-il lancé. Dans une virée sur les lieux du site où devaient normalement être reconstruites les habitations démolies, il nous a été donné de constater que rien n'a été fait. Un mur de soutènement de plusieurs mètres de longueur protégeant certainement la brigade de gendarmerie a été réalisé depuis. Une ébauche de réalisation de cinq à six logements est esquissée, mais on ne voit que quelques barres de fer sortir du sol. Plus loin, une entreprise va bientôt être mise en service. Les citoyens qui ont quitté ce lieu n'ont plus l'espoir de revoir ce site repeuplé à nouveau. Notre accompagnateur note que cet abandon est calculé par des cercles qui ont des intérêts. Pour lui, ce sont de petits administrateurs que tout le monde connaît. Tout comme partout ailleurs à travers la wilaya, 71 logements sociaux ont été squattés à Tizi-Gheniff par des familles généralement démunies. À ce niveau, vingt-deux familles sont venues de la cité démolie. Nous avons alors pris l'initiative de les rencontrer. “Dans ces bâtiments, il y a 22 familles originaires de la cité de la gendarmerie censée être restructurée. Nous sommes douze à avoir signé des engagements pour opter pour le logement social pourvu qu'une décision de régler notre situation soit adoptée”, nous a répondu un père de famille. Et d'enchaîner : “l'administration a trouvé un moyen de rectifier l'erreur commise en nous proposant des engagements de choix soit retourner dans la cité si nous avons la chance de la revoir un jour ou opter pour un logement social, une manière d'approuver notre présence dans ces logements”, nous a expliqué cet autre citoyen. Il est à souligner que même l'ex-ministre de l'Habitat Hamimed en visite à Tizi-Gheniff avait dit aux squatteurs de la cité de la gendarmerie de rester sur place et leur problème serait réglé. Si les douze familles ont opté pour le logement social, les autres familles parquées sous des tentes voudraient se joindre à cette idée. “Nous sommes prêts à faire le même choix et habiter des logements sociaux si, et seulement si, la daïra nous offre cette opportunité”, a préféré nous annoncer l'un d'eux. Car, a-t-il jugé, le site est à l'abandon et rien ne pointe à l'horizon. De l'avis des uns et des autres, le nouveau chef de daïra et le maire de la commune montrent une bonne volonté pour mettre fin au calvaire de ces familles. Et à l'un d'eux de conclure : “Nous remercions ces deux responsables pour toutes leurs initiatives de nous aider à sortir du bourbier. Nous sommes nombreux à vouloir rejoindre les HLM afin d'oublier toutes ces années de souffrance sous les tentes car l'avenir de nos enfants n'est pas dans les tentes. Nous lançons cet appel au wali de Tizi Ouzou pour intervenir en vue de résoudre définitivement ce problème”. O. GHILES