Alors que l'Union du Maghreb arabe demeure toujours au point de départ, vingt années après sa création, le secrétariat général de cet ensemble régional dresse, à l'occasion de ce vingtième anniversaire, un bilan satisfaisant de l'évolution de la situation basé uniquement des vœux pieux. Entre la réalité du terrain et le constat du secrétariat général de l'Union du Maghreb arabe, il existe un énorme décalage. En effet, alors que cet ensemble régional n'a connu aucune concrétisation réelle sur le terrain, si l'on excepte les avancées dans les relations bilatérales entre certains pays, le secrétaire général de l'UMA continue à affirmer que “les dirigeants de l'UMA sont décidés à poursuivre l'édification du Maghreb arabe au profit de ses enfants et des futures générations”. Cette instance assure qu'à “tous les niveaux, règne une prise de conscience totale (...) pour accélérer le processus d'édification et réaliser davantage de projets à même de répondre aux préoccupations du citoyen maghrébin, des opérateurs dans tous les domaines ainsi que des jeunes qui aspirent à vivre dans un espace maghrébin intégré, constituant un pôle de développement, de sécurité et de stabilité en Afrique du Nord et à l'ouest du bassin méditerranéen où l'on garantit plus de chances pour l'éducation, l'emploi et l'émergence des compétences”. On ne peut que s'interroger sur l'utilité de rabâcher ce genre de discours en décalage total avec la réalité, au moment où les dirigeants de l'Union du Maghreb arabe n'arrivent même pas à tenir un sommet pour débloquer la situation. D'ailleurs, son président en exercice, le leader libyen Mouammar Kadhafi, n'a pas mâché ses mots, il y a quelques mois, pour dire que l'UMA était quasiment irréalisable. Pis, le président libyen a jeté de l'huile sur le feu en disant qu'on ne peut parler d'union quand deux pays membres de l'ensemble (Algérie et Maroc), sont “en guerre”. C'est dire qu'au niveau des chefs d'Etat, le projet est carrément mis en veilleuse. L'on se contente de renforcer les relations bilatérales, comme c'est le cas entre l'Algérie et la Tunisie, qui ont atteint un niveau de coopération exemplaire dans de nombreux domaines. Un exemple à suivre en attendant que la situation se débloque avec le règlement du conflit du Sahara Occidental, qui est le principal facteur de blocage. Au lieu de mettre de côté ce différend, comme le préconise Alger, et tenter d'améliorer les rapports entre les différentes parties, Rabat s'entête à ne vouloir régler que les dossiers qui l'intéressent. C'est le cas de la réouverture de la frontière algéro-marocaine, que le Maroc veut obtenir dans l'immédiat, laissant de côté tous les contentieux en suspens avec l'Algérie. Cette vision des choses est catégoriquement rejetée par les autorités algériennes qui veulent un règlement global de tous les différends. Par ces positions extrêmes, l'on continue à perdre du temps, repoussant aux calendes grecques la concrétisation de l'Union du Maghreb arabe, pourtant indispensable, car elle constitue “une réalisation géostratégique importante, mue progressivement par un esprit empreint de solidarité et de coordination dans plusieurs forums régionaux et internationaux, et recèle un patrimoine riche en structures variées et efficientes”, comme le dit si bien le communiqué du secrétariat général de l'instance rendu public lundi à Rabat. Certes, “toutes les parties sont conscientes de l'importance d'intensifier en commun les échanges commerciaux et les investissements”, mais jusqu'à preuve du contraire, l'absence de volonté politique et les visées étroites font que l'UMA reste un mirage. Merzak Tigrine