Les représentants du Syndicat des pilotes de ligne algériens, ainsi que ceux de l'UGTA-pilotes ont animé, jeudi dernier, une conférence de presse à l'hôtel Hilton, au cours de laquelle ils ont abordé plusieurs sujets brûlants sur leurs tumultueuses relations avec les responsables d'Air Algérie. Revenant au communiqué de la compagnie (publié par Liberté le 23 février dernier), Nacer Boukhari, le secrétaire général de l'UGTA-pilotes dira : “On nous a traités de fainéants, alors que l'histoire est là pour démontrer le contraire. On a brisé l'embargo dans lequel l'Algérie s'était retrouvée et on a permis au pays de s'ouvrir au monde.” Il précisera que “leur source d'information sur la base de laquelle ils se sont attaqués à nous est caduque. Il faut qu'ils se mettent à jour. Ils ont mentionné un texte du Maroc datant du 28 mai 1969, alors on leur dit qu'il faut se mettre à jour. Ça a été modifié le 6 novembre 2008. Les responsables d'Air Algérie ont donné des tableaux comparatifs par rapport à la France et à l'Europe, alors qu'ils oublient que c'est dans ces pays-là qu'ils respectent avant tout leurs lois”. À propos des chiffres donnés par Air Algérie, les syndicalistes ont insisté sur le nombre de pilotes. “Ils ont donné le chiffre de 400 pilotes, alors qu'il y en a 309.” Revenant sur le vol Alger-Pékin-Alger lancé le 22 février dernier, les pilotes se disent “prêts à aller jusqu'à Sydney s'il le faut”, tout en insistant que “notre souci majeur est la sécurité et que sur le plan légal, le commandant de bord est pénalement responsable de tout problème”. Leurs reproches concernaient essentiellement la décision prise par la DACM (direction de l'aviation civile et de la météorologie) d'augmenter l'amplitude journalière du travail effectif, la fixant à quinze heures au lieu de douze. “C'est une infraction à la loi. Ils se sont appuyés sur des ambiguïtés, alors que la DCMA n'est pas habilitée à déroger au décret exécutif d'un Chef du gouvernement.” Se référant à l'article 4 du 21 avril 1990 relatif aux relations de travail, modifié qui permet l'élaboration des statuts particuliers, le SG du SPLA, Abdelhafid Bouhelassa, dira : “On dénonce la réglementation du travail qu'on veut nous imposer et on demande le statut particulier auquel on a droit.” Les pilotes n'hésiteront pas à mettre en exergue les “risques encourus” par la compagnie à cause de ses “dérives”. Bouhelassa rappellera ce qui s'est passé après le crash de Sharm Cheikh (survenu le 3 janvier 2004 et qui avait coûté la vie à 148 personnes). “Depuis, il a été décidé en Europe que si la direction de l'aviation civile d'un pays est considérée comme faible, cela impliquera que les compagnies locales seront interdites.” Il donnera, par ailleurs, l'exemple de la Mongolie et du Gabon qui ont eu à subir des sanctions à cause des nouvelles directives. L'affrètement et les Turcs L'affrètement des avions a été l'un des points essentiels de la rencontre de jeudi. Les pilotes sont revenus à maintes reprises sur ce sujet. “Depuis 10 ans qu'on affrète, on aurait pu acheter plusieurs avions ou tout au moins réaliser du dry-lease” (location d'avions sans équipage, ndlr), a affirmé Mahmoud Guelati, rejoint en cela par Segouane Karim (vice-président du SPLA). De son côté, M. Boukhari s'est montré encore plus explicite : “Huit avions turcs viennent d'être affrétés par la compagnie, ce qui est tout à fait anormal. On ne peut plus accepter cet état de fait, surtout que déjà quatre avions de la même compagnie turque sont affrétés.” Il reviendra sur ce qu'il appelle le “crash” de In Amenas. “Ce qui s'est passé le 16 février est plus que surprenant. Depuis ce jour-là, l'avion est bloqué sur place et aucune personne de la DCMA ne s'est déplacée pour enquêter et voir ce qui s'est passé. Pourtant, le représentant de Boeing ainsi que celui des Turcs ont été sur place juste après. Est-ce que parce qu'il ne s'agissait pas d'Algériens ?” D'ailleurs, beaucoup de questions ont été posées par les syndicalistes sur le choix de la compagnie privée turque Saga, pour l'affrètement. “Est-ce que vous trouvez normal qu'elle sous-traite elle-même sur le marché algérien ?” nous dira Boukhari en indiquant (tout en nous montrant un document de la direction générale de l'aviation civile française), que “cet été, Saga a sous-traité avec une autre compagnie aérienne turque, Onur Air, alors que cette dernière est sur la liste noire en Europe”. En plus des Turcs, les pilotes ont aussi pointé du doigt un concurrent d'Air Algérie, en l'occurrence Aigle Azur. Toutefois, malgré le ton critique affiché lors de cette conférence de presse, les syndicalistes se disent prêts à négocier comme l'a indiqué Bouhelassa. “On aurait aimé que le débat se déroule dans la sérénité, mais nous sommes toujours ouverts à toutes les propositions.” Et le SG du SPLA de lâcher : “Depuis 1988, j'ai vu défiler pas moins de six P-DG, et donc…” Salim Koudil