L'ambassadeur du Royaume-Uni à Alger a rencontré des Algériens à Londres. Ce meeting fait partie d'une série de débats organisés par le Foreign Office pour faire tomber la fièvre extrémiste qui s'empare des jeunes britanniques d'origine musulmane. Comment parvenir à éviter que des jeunes issus de la communauté musulmane établie au Royaume-Uni succombent au discours intégriste et commentent des actions terroristes sur leur terre d'accueil, pour sanctionner la politique étrangère britannique et venger leurs frères d'Irak, d'Afghanistan et de Palestine ? Cette tâche n'est plus du ressort exclusif des services de sécurité et ne consiste pas seulement à traquer et à démanteler les réseaux d'Al-Qaïda intra-muros. Depuis mars 2008, les services du Foreign Office ont été mis à contribution en vue de prendre part à une campagne de vulgarisation, visant à corriger la perception des Britanniques d'origine musulmane sur la politique extérieure du pays et les convaincre du bien-fondé de l'engagement de ses troupes, aux côtés des forces américaines dans des régions comme le Golfe. Au cours de l'année écoulée, une quinzaine de réunions ont été tenues à travers le Royaume-Uni. Elles étaient animées par de hauts responsables du Foreign Office. Depuis le début de ce mois, plus d'une vingtaine de rencontres de même type sont organisées. Quatorze se sont déroulées ces deux derniers jours, présidées par les ambassadeurs britanniques accrédités dans des Etats musulmans. Les diplomates étaient présents à Londres pour leur conférence annuelle et ont reçu comme consigne de rencontrer les représentants des communautés issues des pays où ils sont en fonction. C'est ainsi que Andrew Henderson s'est retrouvé à Finsbury Park, quartier algérien au nord de Londres, jeudi, dans la soirée. Accompagné de son épouse, l'ambassadeur britannique à Alger était l'hôte du Muslim Welfare House, une organisation caritative égyptienne, qui a mis à disposition ses locaux pour abriter l'événement. Les ressortissants algériens — beaucoup sont issus du quartier — ont été assez nombreux à prendre part à la rencontre. Pour certains, l'occasion consistait à faire part au diplomate de l'exclusion et de la stigmatisation dont ils font l'objet. D'autres l'ont interpellé sur la politique migratoire restrictive de son pays (visas et régularisation des sans-papiers). Les derniers ont tendu une perche à M. Henderson et lui ont permis de défendre l'action diplomatique de son pays à l'égard du monde musulman. Revenant sur l'agression militaire israélienne à Gaza en janvier dernier, il a indiqué que le gouvernement britannique n'applique pas une politique du deux poids, deux mesures et qu'il était parmi les premiers à appeler à un cessez-le-feu. “La violence ne règle pas les problèmes”, a-t-il observé. À la question de savoir pourquoi les manifestations tenues à Londres devant l'ambassade israélienne ont été réprimées, M. Henderson considère que “les gens ont le droit d'exprimer leur opinion, à condition qu'ils le fassent dans le cadre de la loi et n'appellent pas à la violence”. Très ironique, il a fait remarquer à l'assistance, qu'en Algérie, des marches pour les victimes de Gaza ont été carrément interdites par la police. Sur la stratégie antiterroriste appliquée par son gouvernement, le diplomate s'est employé à gommer les ratés et les dérives. S'exprimant sur le cas de Mohamed Benyamin, un résident britannique fraîchement libéré de Guantanamo, qui accuse le MI5 — les services de renseignement — de l'avoir torturé dans un camp de détention au Maroc, il a assuré que ces allégations font l'objet d'une enquête. Selon lui, la traque des terroristes ne doit pas conduire la communauté musulmane à penser qu'elle fait l'objet d'une quelconque persécution. “Cette stratégie ne cible personne en particulier. Nous voulons que les gens vivent ensemble, au-delà de leurs différences et dans le cadre du respect mutuel. Si les gens violent les lois, nous devons les combattre”, a expliqué Henderson en référence à un nouveau dispositif de prévention qui vient d'être mis en place par le Home Office. Visas, permis de travail, sort des sans-papiers, Les réponses de l'ambassadeur “Notre pays est comme une maison. Elle dispose d'un certain nombre de pièces. Mais il y a beaucoup d'invités devant la porte. Nous n'avons pas assez de place pour tout le monde”, a expliqué Andrew Henderson. Décrivant la Grande-Bretagne comme une petite île, l'ambassadeur a indiqué qu'il est impossible d'accueillir tous les candidats à l'immigration au Royaume-Uni. En réponse à une question sur l'extension du nombre de permis de travail octroyés aux Algériens, il a rappelé l'existence d'un système d'immigration à points qui permet à son pays de faire appel à des étrangers pour combler certains domaines en manque de compétences. Selon lui, la crise économique actuelle n'est pas propice à l'arrivée de nouveaux migrants. Au chapitre des visas, le diplomate a fait savoir que les règles sont strictes. À ce propos, il a indiqué que les requérants ont l'opportunité d'introduire des recours et de demander des informations en cas de refus. Selon lui, l'application des techniques biométriques ôte toute possibilité aux recalés (ayant échoué à obtenir le droit d'asile par exemple) à retenter leur chance. Comme il est exclu à ses yeux que les sans- papiers obtiennent la moindre aide des pouvoirs publics en matière de santé principalement. “Il me paraît difficile de faire bénéficier des personnes en situation irrégulière des ressources publiques. S'ils sont illégaux, il ne faut pas s'attendre à ce que le contribuable paie pour eux”, a assené M. Henderson. Dans son esprit, la solution consiste à faire en sorte que d'autres individus ne soient pas tentés par l'aventure de l'immigration clandestine. “Il est important que les jeunes pensent qu'ils ont un avenir dans leur pays.” À ce sujet, il pense que beaucoup de choses s'améliorent en Algérie. Par ailleurs, il a mis en relief les actions menées par la mission diplomatique britannique pour soutenir la politique de développement local à travers la promotion du secteur privé et dans l'éducation. Au Royaume-Uni, il est d'accord pour dire que des actions doivent être entreprises pour favoriser une plus grande intégration de la communauté algérienne, à travers l'initiation d'un dialogue entre ses représentants et les responsables de l'autorité locale. Interpellé sur le raid policier qui a ciblé Black Stock Road, le quartier algérien de Finsbury Park en mars 2008, il estime que les Algériens n'avaient pas été ciblés en tant que communauté. Selon lui, l'existence d'activités illégales sur les lieux était l'unique motivation de l'opération des services de sécurité. Londres veut vendre des armes à l'Algérie Le Royaume-Uni souhaiterait vendre des équipements militaires à L'Algérie. C'est, en tout cas, ce qu'a révélé Andrew Henderson jeudi dernier à Londres. “Nous voulons convaincre l'Algérie de regarder dans notre direction”, a indiqué l'ambassadeur après avoir énuméré les fournisseurs traditionnels de l'ANP, comme les Etats-Unis, la France, la Russie et l'Afrique du Sud. À ce propos, il a rappelé la nomination d'un attaché militaire à Alger. Cette désignation date de l'automne dernier. Elle avait coïncidé avec la visite à Alger de Bill Rammel, ministre d'Etat chargé des Affaires étrangères et du Commonwealth. Sur un autre chapitre, M. Henderson a évoqué la lutte antiterroriste qui a soudé, selon lui, les relations entre les deux pays. “L'Algérie a souffert du terrorisme. Notre pays également”, a-t-il affirmé en rappelant les derniers attentats en Irlande du Nord. S. L.-K.