“Le cri de Tarzan, la nuit dans un village oranais” est une invitation de Malek Alloula à s'introduire dans sa mémoire et dans ses souvenirs, à travers 9 nouvelles digestes mais non dépourvues de sensibilité. L'auteur explore la langue française et ses méandres pour “remonter vers ses belles années et expliquer son inexplicable cœur”, afin de raconter une belle époque et préserver ce qui reste de ses années d'insouciance. “Le cri de Tarzan, la nuit dans un village oranais” est un recueil de nouvelles de 135 pages, de l'écrivain algérien Malek Alloula. Paru aux Editions Barzakh lors du dernier Sila, le recueil, qui s'articule autour de 8 nouvelles et d'une réflexion sur la langue française, est, en fait, une reconstitution de la mémoire à travers des souvenirs insignifiants de l'enfance. Si on prenait chaque nouvelle à part, on ne comprendrait l'utilité de l'écriture ; c'est le tout qui justifie l'acte d'écriture et donne du sens. Malek Alloula entame son recueil par la nouvelle Jour de fête, dans laquelle il raconte sa découverte, à lui et aux gens de son village, du cinéma : un art majeur et non moins populaire qui a bercé l'imaginaire de milliers d'enfants. Dans Le cri de Tarzan, Malek Alloula évoque l'influence de ce personnage fictif sur la vie des habitants de son village et sa ressemblance avec eux. Il avance également une belle image sur la colonisation à la page 29 du recueil où il écrit : “(…) Nous le sentons immédiatement, ce cri, il nous est à coup sûr adressé – c'est notre conviction, notre foi : tout au moins, c'est ainsi que nous prenons la chose. Le cri est trop sauvage, trop vrai, pour concerner d'autres que nous.” Par cette phrase qui résume toute la douleur des Algériens durant les années 1950 et tout le mépris dont ils souffraient, Malek Alloula révèle — avec une certaine distance dépourvue de haine — son propre malaise par rapport à la colonisation et se délivre de ses démons et des blessures du passé. L'écriture du nouvelliste revient à une certaine sérénité avec des nouvelles plus légères, comme celle intitulée Mes enfances exotiques, où il écrit sur les bêtises que lui et ses amis commettaient au village, et qui rendaient fous les adultes. Ils étaient de vrais garnements ! Solingen Germany est une nouvelle qui emprunte son titre à une marque de couteaux et traite de la découverte de la vie des adultes par le narrateur, à travers le rasage qui constitue un intermédiaire entre la vie d'enfant et la vie d'homme. Suivent alors d'autres nouvelles comme Les eaux d'Oran où le narrateur, qui a atteint l'adolescence, part s'installer avec ses parents dans la ville d'Oran. Ce qui représente une nouvelle vie, un élargissement des perspectives et une vision plus lucide et clairvoyante de la vie. Cette vie qui le mènera par la suite à l'exil, largement développé dans la nouvelle On vous parle d'Oran, où Malek Alloula écrit sur l'attente et l'enthousiasme dans lequel se place l'être qui se trouve à l'étranger, lorsqu'il reçoit un appel de sa famille ou de ses proches. On vous parle d'Oran, c'est, en fait, l'histoire d'un coup de fil. Mais si on ne devait choisir qu'une seule nouvelle, ce serait la dernière qui clos le recueil et qui s'intitule La langue fantôme. Celle-ci traite de la langue française et se veut comme une sorte de confession, où Malek Alloula évoque le rapport de l'écrivain francophone à la langue française. En fait, c'est une relation compliquée et périlleuse car certains l'appréhendent avec violence, d'autres comme une négation de soi et de l'identité ; d'autres encore la conçoivent comme un moyen d'expression libérateur. Chacun cohabite avec la langue à sa manière et la conçoit selon son vécu et ses traumatismes. Pour Malek Alloula, la langue française est une “langue fantôme” qui apparaît comme moyen “d'exorciser” certaines choses inconscientes enfouies en lui. Et c'est le propos même de ce recueil. En effet, Malek Alloula transforme des souvenirs d'enfance, infimes, minuscules et bien conservés, fragments de la mémoire, en une œuvre littéraire touchante, attachante et captivante. Tout comme son regard, le lecteur est traversé par une sorte de tendresse et d'affection, puisque l'auteur le convie dans son intimité. Sara Kharfi (Le cri de Tarzan : la nuit dans un village oranais de Malek Alloula, nouvelles, 135 pages, Editions Barzakh, Alger 2008, 450 DA).