“Anneau d'acier” est le nom du dispositif qui sera déployé autour du lieu où se tiendra la rencontre des chefs d'Etat, au sud de la capitale britannique. Environ 10 000 policiers seront mobilisés pour sécuriser le sommet. Londres pourrait ressembler à un champ de bataille ce jeudi, jour de l'ouverture du sommet du G20. N'y manqueraient que les barricades. Mais sait-on jamais ! Un groupe d'anarchistes fait déjà sonner l'hallali en annonçant un soulèvement populaire qui devrait embraser les faubourgs de la capitale et réduire en cendres les symboles de son capitalisme décadent. “La révolution arrive. C'est notre heure”, détonne Chris Knight, leader d'une sombre organisation d'extrême gauche aux consonances très belliqueuses : Government of The Dead. Son appel risque d'avoir de larges échos. Le Royaume-Uni accueille les chefs d'Etat et de gouvernement du club des riches de la planète au moment où il traverse la plus grande crise économique de son histoire depuis le krach boursier des années 1930. Chaque semaine, des centaines de travailleurs rejoignent les contingents de chômeurs, dont le nombre vient de franchir le cap des deux millions. Un record ! À cause de la crise des subprimes (des crédits hypothécaires à risques accordés aux ménages), des milliers de propriétaires sont dépossédés de leurs maisons. Les bureaux de la City, première place financière en Europe, sont vidés de leurs cohortes de banquiers, de courtiers, d'agents de change et de consultants. Des établissements financiers de renom, comme Lloyds ou Barclays, chavirent. D'autres, moins prestigieux, ont sombré ou sont passés sous le contrôle de l'Etat, dans une tentative désespérée de sauvetage. La récession, d'abord occultée par le gouvernement, ravage le pays, enflant la révolte. Les plus extrémistes n'y vont pas par quatre chemins pour exprimer leur colère. À l'occasion de la tenue du sommet du G20, un groupuscule révolutionnaire intitulé Class War (littéralement, la horde guerrière) a fait éditer des affiches, portant une suggestion qui fait froid dans le dos : “Pour se tenir au chaud pendant la crise, brûlez un banquier.” D'autres posters montrant un cambiste pendu circulent également, rendant la menace très sérieuse. Sur recommandation des services de police, les cadres de la City ont été instruits de troquer leur costume-cravate contre des tenues vestimentaires plus décontractées, le 2 avril. Le but étant de leur éviter d'être les cibles de quelques illuminés. Des mesures plus radicales ont été prises par certains établissements, demandant à leurs employés de se déplacer uniquement pour assister aux réunions importantes, de changer leurs horaires ou de rester carrément chez eux pendant toute la durée du sommet. Les banquiers ne seront pas les seuls à devoir renoncer à mettre le nez dehors. Dans leur intention de parasiter la messe des puissants et faire honte à leur hôte, le Premier ministre Gordon Brown, les trouble-fêtes comptent paralyser les transports londoniens. Sur certains sites anarchistes, des informations font état de plans visant à créer un climat de panique dans le métro en y déposant des bagages suspects. Les protestataires, par ailleurs, comptent obstruer le tunnel de Blackwall que les véhicules transportant les délégations étrangères devront traverser pour rejoindre le lieu du sommet à ExCel Centre, dans le Docklands, un quartier d'affaires au sud de la capitale. En guise de cerise sur le gâteau, il a été décidé de parasiter les réseaux de communication des hôtels où seront logés les invités en les dérangeant dans leur sommeil, à travers des sonneries de téléphone intempestives. Bien entendu, des groupes pacifiques, comme les verts et les antiguerres, se sont dissociés de ce genre d'actions. Néanmoins, leurs propres initiatives ne sont pas sans susciter des craintes de débordement. À j-1 du sommet, une alliance formée par des activistes d'horizons divers organisera une immense manifestation. Les protestataires, qui se qualifient de Chevaliers de l'apocalypse, se sont donné rendez-vous à la sortie de quatre stations de métro (Moorgate, London Bridge, Cannon Street et Liverpool Street) pour entamer quatre différentes marches (contre la guerre, le changement climatique, les crimes financiers et la précarité sociale) qui convergeront vers le siège de la Banque d'Angleterre, une institution choisie par les manifestants comme un avatar de l'ultralibéralisme. Une marche isolée devra cibler l'ambassade des Etats-Unis où des renforts policiers seront dépêchés. La sécurisation de l'ExCel Center, ciblé par une nouvelle marche le 2 avril, devra mobiliser, quant à elle, plus de 3 000 éléments — sur 10 000 disséminés dans toute la ville — de 6 différents corps de sécurité, dont la division antiterroriste de Scotland Yard. Les responsables parlent d'un “Anneau d'acier” (Iron Ring) qui cerclera le lieu du sommet. Outre les velléités de sabotage des altermondialistes, le risque d'attentat est la plus grande menace qui fait frémir les organisateurs. Un coup d'éclat d'Al-Qaïda ne serait pas exclu si l'on se fie au dernier rapport du Home Office. Le 24 mars dernier, ce département révélait que le Royaume-Uni pourrait être la cible d'une attaque terroriste, de nature chimique, biologique ou nucléaire. Selon Jacquie Smith, ministre de l'Intérieur, la menace de ce genre d'opérations est sérieuse. En juillet 2005, le pays était la cible d'attaques-suicide dans les transports londoniens qui avaient coûté la vie à 50 personnes. Depuis, les services de sécurité ont avorté d'autres tentatives d'attentat. Pour parer à toute nouvelle menace, le gouvernement vient de renforcer son dispositif de prévention en triplant, par exemple, le nombre de policiers chargés de la lutte contre le terrorisme. S. L.-K.