Terne, fastidieux, deux termes qui peuvent résumer l'ambiance qui a régné dans la permanence du candidat à l'élection présidentielle, Djahid Younsi. Tout au long de la journée de jeudi, à aucun moment nous n'avions senti qu'on était vraiment au siège principal d'un prétendant à la magistrature suprême. Les raisons sont nombreuses. Déjà les voisins mêmes de la permanence (située en plein centre de Belouizdad) ne pouvaient pas nous indiquer le lieu. “Ya kho, je sais qu'il est dans les alentours, mais où exactement, manakdabche aâlik.” Après avoir erré à travers les ruelles du quartier, nous avons fini par trouver le siège. En entrant (aux environs de 12h) dans la bâtisse de deux étages, mises à part les nombreuses photos du candidat, il n'y avait pas grande foule. Au 1er étage se trouve la grande salle qui n'avait de grand que… son espace vide. Peu de monde, peu de meubles et surtout un silence des plus surprenants. Sur place, il n'y avait que trois journalistes et deux jeunes, visiblement de la “maison”, concentrés sur le téléphone-fax. Sur les murs, en plus de deux affiches géantes du candidat, nous ne pouvions rater l'immense tableau (en arabe) où y étaient mentionnés les noms des wilayas et ceux des six postulants (on notera que de droite à gauche, c'est Bouteflika qui a été placé en premier).Au coin de la salle, on pouvait aussi remarquer un PC mais, durant toute la journée, nous n'avons vu aucune personne l'utiliser. Le téléviseur, qui normalement devait être dans le décor pour au moins suivre les résultats en direct sur l'ENTV, brillait par son absence. C'est par téléphone et fax (qui d'ailleurs est tombé en panne vers 15h30) que les chiffres “tombaient”. Un candidat fantôme Première remarque : absence du candidat lui-même. Renseignement pris, il est allé voter à Guelma. Selon ses représentants, il avait pris le vol Alger-Annaba de 7h30 et pour le retour sur la capitale, il devait prendre le vol de 13h. Pourquoi Guelma alors qu'il est d'Annaba et qu'il habite à Alger (à Hammamet) ? “Parce qu'il est le chef de département de génie mécanique à l'université de cette wilaya”, nous disent mécaniquement ses partisans. Ce n'est qu'à 15h10 que Younsi a rejoint Belouizdad et a pu regagner le siège de la permanence sous bonne escorte, et ce, devant l'indifférence totale des habitants du quartier. Il a directement rejoint la “salle des opérations” pour… ne plus en redescendre. Ses adjoints essayeront assez maladroitement d'expliquer cette bunkerisation par ses “occupations” et ses contacts avec la commission de Teguia, “pour dénoncer les dépassements”. La journée s'est terminée sans que nous ayons pu rencontrer l'enfant de Sidi-Salem. Le lendemain matin, rebelote. Il est arrivé avec son escorte à 9h45 pour encore une fois se cloîtrer au 2e étage. Tout candidat qu'il est, et pour un rendez-vous qui devait pourtant être crucial pour l'avenir du pays, Younsi n'a finalement pas donné de déclaration. Une histoire d'“ex” À défaut d'avoir en face Younsi, nous avons vu défiler tout au long de la journée de jeudi certains “cadres” du parti d'El-Islah qui avaient presque tous la qualité d'“ex”. Entre ex-députés et ex-élus d'APC, ils se sont évertués, devant les représentants de la presse, à tenter à chaque fois d'expliquer… l'inexplicable. Plus les heures passaient, plus on remarquait leur désenchantement. Malgré sa verve, l'ex-membre de l'APN, Mme Meslem Bousbah, s'est plus attardée sur le sujet du… divorce des femmes que sur les joutes électorales de ce 9 avril. De son côté, celui qui s'est présenté à nous en tant qu'ex-P/APC adjoint d'El-Mohammadia s'est lancé dans une diatribe contre les dépassements. “Ce qui se passe aujourd'hui au niveau de plusieurs centres de vote est incroyable et inadmissible. Croyez-moi, j'ai une longue expérience dans les élections, je sais comment on trafique les urnes, mais là, ça dépasse tout entendement.” Djamel Abdeslam, considéré comme le numéro 2 du parti, s'est “montré” aux journalistes aux environs de 15h30 pour essentiellement dénoncer les “nombreux dépassements que nos représentants ont constatés à travers différentes régions du pays”. Il n'a pas omis toutefois de préciser au sujet des résultats qu'ils ont pu avoir : “Ils nous sont parvenus via les APC, les sièges de wilaya et les centres de vote.” Il faut dire que même quelques partisans de Younsi ne cessaient de se poser des questions sur la qualité de leurs représentants dans les bureaux de vote. “Parmi eux, il y en a même qui ont éteint leur portable. Beaucoup se sont volatilisés dès qu'ils ont empoché leur argent après le déjeuner.” À aucun moment, nous n'avons senti qu'il y avait parmi les islahistes un petit brin d'espoir de gagner et ils ne le cachaient même pas. “Certes, Bouteflika sera le gagnant, nous préparons plutôt les prochaines échéances électorales”, nous dit l'un des jeunes sans trop de conviction. Salim Koudil