Une fois que le Conseil constitutionnel validera les résultats du scrutin du 9 avril, le chef de l'Etat pourrait procéder à un remaniement ou à un changement de l'Exécutif. Plusieurs options seraient déjà sur la table du locataire du palais d'El-Mouradia. Abdelaziz Bouteflika a obtenu ce qu'il voulait : un pouvoir sans partage et des scores électoraux dépassant tout entendement, dans un monde où les vents du changement soufflent de toutes parts. Il n'aura pas attendu longtemps pour signifier à tous les soutiens dont il a bénéficié, durant sa campagne, que sa victoire il la devait au seul peuple algérien. Une façon de refroidir les ardeurs de pas mal de soutiens opportunistes qui s'attendent à être rétribués. Maintenant que les jeux sont faits, toutes les questions remontent à la surface concernant le devenir politique du pays. Bouteflika n'a rien dit à ce sujet durant toute sa campagne. Le seul thème de campagne qu'il avait martelé était celui de la poursuite de la réconciliation nationale et de l'amnistie générale. Cette dernière a figuré en bonne place dans ses discours de campagne, même si Bouteflika a avoué ne pas être sûr d'assister à sa concrétisation et même s'il a posé clairement comme préalable le dépôt total des armes des groupes terroristes et même s'il a, pour la première fois, exigé que les terroristes demandent pardon au peuple. En somme, l'amnistie générale est dans l'air, mais elle ne se fera pas dans l'immédiat. Cette façon de procéder de la part du chef de l'Etat déroute aussi bien ses alliés que ses adversaires. Tout en créant un climat propice à des redditions massives de terroristes, elle jette un pavé dans la mare des alliés du Président qui croyaient dur comme fer que l'ex-FIS était mort et enterré et qu'il ne pouvait plus revenir hanter leur esprit. En évoquant l'amnistie générale, le Président entrouvre, pour la première fois, la porte d'un retour des anciens terroristes à l'activité politique. Une probabilité qui fait hérisser les cheveux de tous ceux qui ont combattu le terrorisme et les idées politiques qui l'alimentent, pendant plus de 15 ans, au prix de leur vie. Evidemment, le Président ira consulter le peuple, par voie référendaire, pour la troisième fois. Mais tout le monde sait qu'une décision d'une telle ampleur ne se prendrait pas sans qu'il y ait aval préalable des cercles de décision. Toujours est-il que l'amnistie générale, même si elle ne se fera pas de sitôt, constituera la toile de fond de toutes les joutes politiques attendues durant ce quinquennat. Mais au-delà des annonces, force est de reconnaître que ce troisième mandat est, avant tout, celui qui prépare l'après-Bouteflika. Et c'est dans ce sens que les candidats à la succession ne devraient pas tarder à se mettre sur le starting-block. Ahmed Ouyahia, donné pour potentiel successeur de Bouteflika, ne sait pas s'il devrait rempiler à la tête du gouvernement. Un remaniement du gouvernement est dans l'air, et l'on murmure que Bouteflika serait mécontent du rendement de l'Exécutif, notamment pour les nombreux retards enregistrés dans la concrétisation des grands chantiers. Bouteflika, qui avait accaparé l'ensemble des prérogatives à la faveur de l'amendement de la Constitution le 12 novembre dernier, devrait passer à la vitesse supérieure en nommant des technocrates à la tête de l'Exécutif. Le nom de Abdelmalek Sellal revient comme, pour chaque échéance politique, pour prendre la tête de l'Exécutif. Mais dans le milieu des initiés, on estime que l'homme n'aurait pas l'envergure pour diriger un gouvernement. Même si Ahmed Ouyahia ne devrait pas être trop soucieux d'un éventuel limogeage, lui qui en avait déjà goûté, il serait intéressant de voir dans quelle mesure son parti, le RND, devrait être touché par la nouvelle configuration du paysage politique. Le parti de Ouyahia a été le plus actif et le plus en vue durant la campagne électorale de Bouteflika, et ses cadres s'attendent à ce qu'ils soient rétribués en conséquence. Contrairement aux deux autres partis de l'Alliance qui ont été carrément étouffés, sinon marginalisés durant toute la campagne, le RND avait fait bonne figure. En 2014, Ahmed Ouyahia aura 62 ans. On ne pourra plus le considérer comme “un jeune loup”. C'est dire que l'Alliance présidentielle aura fait son temps et que le troisième quinquennat sera celui du chacun pour soi. Bouteflika pourra-t-il s'en passer allègrement ? Tout l'indique. Mais les partis de l'Alliance pourraient-ils survivre sans Bouteflika ? Là est toute la question. Le FLN paraît le plus fragile des trois partis de l'Alliance, dans la mesure où son actuel leader, Abdelaziz Belkhadem, serait assis sur un siège éjectable et que l'idée d'un congrès extraordinaire fait son chemin. Qui le remplacera ? Difficile d'y répondre. Mais une chose est sûre : le FLN devrait être balayé par le vent de rajeunissement, au risque de sombrer dans l'oubli. Le MSP a cette aptitude de s'adapter à toutes les situations. Bouguerra Soltani affirmait qu'il se préparait à être candidat à l'élection présidentielle de 2014. Il lui faudra, avant tout, résoudre la crise interne qui a été mise entre parenthèses, le temps d'une campagne électorale. Et ce n'est pas gagné d'avance, connaissant les capacités de Abdelmadjid Menasra et les soutiens dont il dispose au sein de la base du mouvement. Bouteflika avait tenu à saluer Louisa Hanoune lors de sa campagne électorale. D'aucuns y ont vu un signe d'une plus grande implication de la leader trotskiste dans l'échiquier politique national. Les résultats officiels de l'élection présidentielle l'ont placée comme deuxième personnalité politique du pays. Les faits lui donneront-ils raison ? Pas si sûr. Il serait plus probable que Louisa Hanoune continue à jouer parfaitement son rôle d'opposante. C'est, d'ailleurs, cette opposition que Bouteflika chercherait à encourager, au détriment de l'opposition classique, notamment du FFS et du RCD, qu'il est allé défier dans son fief en Kabylie. Il se pourrait, également, que les figurants de l'élection présidentielle puissent avoir un rôle plus important dans la nouvelle configuration politique en prenant plus d'espace d'expression en lieu et place des partis agréés à la hussarde au milieu des années 1990. Cependant, la tendance lourde penche vers un remaniement en profondeur de la scène politique nationale. En accordant une importance particulière aux femmes et aux jeunes lors de sa campagne électorale, en s'appuyant sur le réseau de jeunes hommes d'affaires, et en tenant à écarter toutes les figures du passé de son dernier meeting à la coupole, Bouteflika a sans doute donné une idée de ce que devrait être son parti pour ce dernier mandat. Azzeddine Bensouiah