Depuis le 10 octobre, date de la tenue des élections locales, la situation en Kabylie est arrivée, serait-on tenté de dire, à un point de non-retour. Tout se passe comme si le pouvoir ne se souciait plus du sort de la population de cette région dès lors que l'échéance du 10 octobre a été franchie. Sur fond d'impassibilité totale des autorités, sauf, bien sûr, lorsqu'il s'agit de faire usage de la répression pour mater la contestation, la Kabylie s'achemine inexorablement vers l'enlisement. Plus de deux semaines se sont écoulées depuis la tenue au forceps des élections dans cette région et aucun signe de sortie de crise n'est perceptible. Bien au contraire, la situation paraît aujourd'hui davantage compliquée, surtout après l'arrestation de la figure de proue du mouvement des archs, Belaïd Abrika. Une arrestation qui est venue confirmer l'option de radicalisation du pouvoir à l'égard du mouvement citoyen. Un choix que le ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, avait, du reste, annoncé lors d'une conférence de presse au lendemain des élections locales, en mettant au banc des accusés les archs, rendus responsables des conséquences des émeutes en Kabylie, mais aussi et surtout en promettant le “recours à la loi”. La suite, tout le monde la connaît : des délégués ont été embarqués manu militari à l'intérieur même d'un tribunal alors que des avocats y ont été tabassés. Une version contestée par le ministre de l'Intérieur. Entre-temps, comme pour enfoncer davantage le clou, Zerhouni répond à des journalistes qui l'intérrogeaient sur le sort des mairies où il n'y avaient pas eu de vote, que des élections partielles y seront organisées avant l'automne 2003. Cette disposition, prévue par un article de la Constitution, peut paraître louable sauf que Zerhouni ne dit pas ce qu'il compte faire, dans l'intervalle, pour parvenir à tenir des élections dans une région qui rejette l'idée de toute consultation électorale, tant que ses revendications ne sont pas satisafaites. Résultat : on revient quasiment à la case de départ. Dans plusieurs localités de la région, la police procède à l'arrestation de manifestants contre l'installation des nouvelles APC. Plusieurs sièges de daïra ont été fermés par la population. En somme, la Kabylie est condamnée depuis le 10 octobre à vivre au rythme du cycle émeutes-arrestations. Hier encore, des habitants de Boukhelifa ont assiégé la daïra de Tichy pour la deuxième journée consécutive. Ils sont venus exprimer leur opposition à l'installation du maire sortant, réélu le 10 octobre. Aujourd'hui, un rassemblement est prévu, à l'appel de la CADC, devant le tribunal de Tizi Ouzou pour exiger la libération des détenus. Cette manifestation coïncide avec l'audition de Belaïd Abrika. Une marche est également prévue à Azzaga, où la population compte fermer les sièges de cinq communes et celui de la daïra. Cette fois-ci, même les femmes seront de la partie. Demain, une grève générale est annoncée à Azzefoun et à Tizi Ouzou, où un rassemblement aura lieu au carrefour du centre-ville. Pendant ce temps, le pouvoir intensifie la présence policière dans la région, selon une déclaration de la coordination de Tizi Ouzou. De nouvelles sûretés urbaines ont été implantées dans plusieurs quartiers périphériques de la ville des Genêts, affirme cette coordination qui dénonce “ces paratiques staliniennes” et lance un “sos” à l'ONU pour “mettre fin à cette répression à la Sharon (Premier ministre israélien, ndlr), qui s'abat sur toute la région”. De son côté, le président du Congrès mondial amazigh (CMA), Lounis Belkacem, a dénoncé, hier, lors d'une conférence de presse à Tizi Ouzou, les récentes arrestations des délégués du mouvement citoyen. “Cela confirme la nature du régime algérien. En fait, la Kabylie dérange à tous les niveaux”, a-t-il affirmé. A. C.