La 4e Conférence sur le futur économique de la région MENA, tenue à Doha du 3 au 5 mai, qui a réuni des experts, des hommes d'affaires et des personnalités politiques et sociales de 57 pays, en présence de Klaus Schwab, président du Forum de Davos, a eu le mérite de clarifier et de prolonger, après le G20, les éléments constitutifs des nouveaux axes de la globalisation. Beaucoup de choses y ont été dites, mais je retiendrai ce qui m'est apparu être les cinq piliers de la recomposition économique et géopolitique qui se dessine pour l'après-crise. Nous verrons que cela aura non seulement un impact sur notre pays, mais nous interpelle sur la nécessité d'un positionnement de nature à nous placer parmi les gagnants de demain. Commençons par le premier pilier relatif à la sécurité énergétique et aux énergies renouvelables. Devant le recul dangereux constaté des investissements dans les hydrocarbures et le coût élevé des nouvelles énergies, le concept d'un juste prix du pétrole (“fair price”) refait surface. Fait nouveau et intéressant, il a été clairement dit que ce prix devrait garantir des revenus suffisants pour rendre profitables les investissements du “nouveau pétrole”, tout en concédant que les forces du marché, en définitive, en fixeront le niveau. Le non-dit est que le niveau de prix devrait surtout rendre faisables économiquement les énergies nouvelles. Ce sur quoi, il faut le rappeler, se sont engagées l'administration Obama (“Green Energy Plan”) et l'UE (“Paquet énergie/changement climatique”). Le deuxième pilier porte sur les instruments de la globalisation. Les critères de restructuration des institutions internationales de coordination et de régulation existantes et la création de nouvelles sont bien identifiés. Le G20 apparaît comme le nouvel instrument retenu en lieu et place du G8. La gouvernance du Conseil de sécurité de l'ONU (composition élargie) et du conseil d'administration du FMI (nouvelle pondération des droits de vote) vont devoir mieux refléter la nouvelle multipolarité internationale. Le troisième pilier porte sur les questions monétaires et financières. Il y est clairement affirmé que le dollar subsistera comme monnaie de réserve contre l'avis des BRIC. De plus, les pays arabes disposant de surplus sont invités à transférer massivement leur ressources financières dans le système financier international (“To shift their massive accumulation of wealth into investment and engagement in the global financial system”). Le quatrième pilier porte sur les nouveaux rapports de puissance, les recompositions géostratégiques et la gestion des conflits internationaux. Les Etats-Unis, après avoir pratiqué le “hard power” et le “soft power” sans résultats, veulent à présent pratiquer le “smart power”, sorte de gouvernance intelligente, patiente, mais déterminée des conflits. Ainsi, pour les conflits du Moyen-Orient, les Etats-Unis se positionnent comme puissance d'équilibre (“in the Middle East, US will have to reassess and maintain its role as a balancing player”). L'Union européenne devra, quant à elle, se réorganiser et inclure la Turquie, acteur majeur. Dans cette nouvelle recomposition, le rôle de la Chine et de l'Inde se renforcera finalement au détriment de celui de la Russie et du Pakistan. Quant au Japon, qui vient de prendre l'initiative de la création d'un fonds de 150 milliards pour des économies en crise de l'Asie du Sud-Est, sa position est menacée par un yen fort et une faible démographie. Dans le même ordre d'idées, les pays arabes du Conseil de coopération du Golfe (CCG), constituant la 5e économie mondiale, seront mis à l'avant en tant que gagnants au détriment de l'Iran et de l'Egypte. S'agissant de l'Afrique, elle n'apparaît que comme continent pauvre à aider. Le 5e pilier est relatif aux nouveaux fondements du capitalisme. En partant de façon pragmatique de l'échec du consensus de Washington (“global demystification with the Western/American Free capitalist model”), il y a une tentative de refonder le modèle de l'économie de marché. Cette tentative s'appuie sur le retour des Etats et le statut renforcé de la régulation financière et commerciale, mais pas seulement. Le tout est à présent de savoir si cette vision basée sur ces cinq piliers est partagée par les “acteurs globaux” cités (UE, Chine, Russie, Japon) et le reste du monde. C'est toute la distance qui sépare la multipolarité du multilatéralisme. Pour l'Algérie, en tout cas, il y a beaucoup d'enseignements à en tirer et des ajustements à opérer. M. M.