Les anciens ouvriers de l'usine que nous avons rencontrés parlent d'une dizaine de personnes décédées d'un cancer de la plèvre. La célébration de la Journée mondiale de l'environnement est une occasion pour faire rappeler aux responsables de Bordj Bou-Arréridj la situation lamentable dans laquelle se trouve la wilaya, plus précisément la ville, devenue une poubelle géante en plein air d'amiante. Si partout dans le monde, et depuis quelques années déjà, l'on s'attaque à l'élimination de l'amiante, il y a encore des “vestiges” dans la ville de Bordj Bou-Arréridj. Selon un document officiel, 40 000 tonnes de déchets destinés à l'enfouissement comportant entre 8 et 15% d'amiante sont à l'heure actuelle stockées au sein de l'unité SPDE et seront évacuées, selon le même document, vers la nouvelle décharge de Merouacha (El-Euch), une opération confrontée en ce moment à une grande résistance des habitants de la région. Même si l'enfouissement a lieu, quelle sera, dans ce cas, la garantie d'un “enterrement” sans risque sur la vie humaine à court et à long terme ? Mise en exploitation depuis 1976, soit 36 ans après le traité de Johannesburg et deux ans à peine avant l'interdiction de l'amiante en France et dans d'autres pays européens, la SPDE (amiante-ciment) de Bordj Bou-Arréridj, qui s'étend sur une superficie de 20 ha, dont 1,26 ha bâtis et produit 50 000 tonnes/an, dont 15% d'amiante comme matière première, génère 20 ans de déchets qui ceinturent principalement la périphérie de la ville et dont les constructions privées reposent en ce moment sur “l'asbeste”, un mal endormi qui risque de se réveiller à n'importe quel moment si l'on sait que la boue d'amiante issue des bassins de décantation est estimée en terme de teneur à 1 000 tonnes/an Ces déchets ont été, pendant un certain temps, évacués vers la décharge publique et, parfois, dans la nature. Actuellement, une quantité importante, plus de 40 000 tonnes (déchets comportant entre 8 et 15% d'amiante), est stockée au sein de l'unité, constituant ainsi un danger réel pour les travailleurs et pour les populations de la ville de Bordj Bou-Arréridj et les habitants limitrophes. Les variétés d'amiante utilisées sont la chrysolite en grade 4. 5. 6. (longueur des fibres). Elle consomme beaucoup d'eau, près de 67 000 m3/an, mais n'en rejette que 200 m3/an, sous forme d'eaux usées, le reste étant recyclé après décantation. Quoi qu'il en soit, la santé des travailleurs et celle publique demeurent exposées sans cesse à cette véritable bombe à retardement qu'est l'amiante. Les travailleurs de la SPDE paient la caution au prix du risque à l'exposition aux lésions pleurales de cancer et de fibrose de poumons, aux insuffisances respiratoires et aux maladies dermiques, la même chose pour toute la population de la ville et une partie de la banlieue puisque la fibre maudite peut voltiger sur un rayon de 30 à 40 km . Effectivement, ce produit nocif, très dangereux, à l'origine de nombreuses maladies, dont le cancer, se retrouve en grande quantité en plein air, sans aucune protection ou sécurité. Les anciens ouvriers de l'unité que nous avons rencontrés en ville parlent d'une dizaine de personnes décédées d'un cancer de la plèvre. En effet, des habitants de la ville et des riverains nous ont contacté pour se plaindre de la situation qui prévaut dans cette ville. “Malgré les milliers de contestations signées par les riverains, les efforts déployés par les associations de protection de l'environnement et les pétitions signées par les citoyens à l'initiative de quelques médecins et scientifiques, l'écho ne semblait pas atteindre les décideurs de la question si ce n'est cette initiative concernant la reconversion de l'unité”, dira un riverain. Les citoyens, quant à eux, se demandent que deviendra leur localité et, surtout, leur santé d'ici quelques années si une solution n'est pas trouvée.