Il a fallu attendre le cinquième jour du procès pour voir enfin comparaître l'accusé principal dans cette affaire de milliards de dinars détournés qui oppose la BNA à Abderahmane Achour. Une “impatience” vraisemblablement partagée par le concerné lui-même. “J'attendais ce jour depuis trois ans et l'occasion m'est enfin donnée pour dire toute la vérité”, a-t-il déclaré. Il était 11h35 quand Achour s'est présenté devant le juge pour “escroquerie, fraude et émission de chèques sans provision et complicité dans le détournement de deniers publics et falsification d'écritures bancaires”. D'emblée, il affirma : “Depuis le début, on parle de 21 milliards de dinars détournés alors que c'est archifaux. Tout le monde doit savoir que cette somme n'est autre que mon chiffre d'affaires conclu avec le mouvement d'entrée et de sortie. J'ai les documents prouvant mes dires.” Concernant les chèques sans provision qui ont été souvent cités depuis mardi dernier, il affirma : “On parle de 1957 chèques et moi, je ne demande qu'une chose, je défie quiconque de me les montrer !”. Il est revenu à plusieurs reprises sur le même sujet : “À la banque, on ne m'a jamais refusé un chèque. D'ailleurs, il n' y a eu que 59 chèques d'encaissement et je me demande où sont ces 1957.” Se voulant offensif, et après avoir mis en doute le travail des experts, il s'attaqua aux structures de la banque : “C'est un détournement imaginaire. On parle d'un assassinat alors qu'il n'y a ni le corps de la victime ni encore l'arme du crime”, avant de souligner : “Il faut juste vous rappeler ce qu'a dit le commissaire aux comptes ici même. Il a parlé de 3 800 milliards de centimes en suspens et c'est la preuve éclatante qu'on veut me faire endosser les détournements des années 90.” Autre fait important de sa comparution, son départ vers le Maroc d'où il a été extradé le 15 novembre 2007. En relatant les faits, Achour, tout en surprenant les présents, a surtout laissé tout le monde sur sa faim : “J'ai rejoint le Maroc le 5 février 2005. J'étais en plein procès qui n'avait aucune relation avec cette affaire avec la BNA. Le jugement devait tomber le 6 février et voilà que le 4, c'était un vendredi je crois, je reçois un appel. On me dit qu'on allait me condamner à 3 ans de prison pour m'utiliser après. J'ai pris peur et dès le lendemain, j'ai quitté le pays. C'était finalement un piège qu'on m'avait tendu.” Le procureur général lui demanda alors l'identité de l'auteur du fameux appel et la réponse de Achour était des plus énigmatiques : “C'est djemaâ et je ne veux donner aucun nom.” Bizarrement, personne ne l'a relancé sur “djemaâ”. On notera également aussi que personne ne l'a interrogé avec quel “subterfuge” il avait quitté le pays alors que son propre procès se déroulait ! Persévérant toujours dans ses déclarations à l'opposé de tout ce qui a été dit depuis le début du procès, l'accusé principal niera avoir obtenu un quelconque crédit au nom de sa société national A+ : “Je nie avoir reçu un quelconque crédit. Tout juste, j'avais un crédit de 65 milliards de dinars au nom de ma société CEA et cela à l'agence de Aïn Benian, et j'ai tout remboursé en 2003.” Répondant du tac au tac aux magistrats et aux avocats de la partie civile, Achour ne se privait pas aussi d'humour. À la réflexion formulée par le procureur général : “Je ne vous cache pas qu'au début, lorsque j'ai pris cette affaire et en sachant qu'il s'agissait de milliards, j'ai eu peur.” L'accusé lui rétorqua : “Pour vous, une peine de 10 ans c'est normal et pour moi, parler de milliards c'est normal aussi. Chacun son métier.” Au passage, on a aussi retenu une autre énigmatique phrase qu'il a lancée : “Avec tout ce qui tourne autour de cette affaire, je remercie Dieu d'être en prison. Si j'étais dehors, je suis sûr qu'on m'aurait assassiné et on aurait maquillé cela en un attentat terroriste.” Achour était le dernier accusé à se présenter à la barre. Avant lui (pour la journée d'hier), il y a eu la comparution de son principal associé, Rabah Aïnouche, sous le coup des mêmes chefs d'inculpation. Nous avons eu à vivre un échange surréaliste entre le juge et le procureur général, d'un côté, et l'ingénieur de formation qu'est cet accusé à propos de la définition des termes techniques du monde de l'infographie et des travaux publics, de l'autre. Aïnouche ajoutera qu'“en tant qu'associé de la société National A+, personnellement, je m'occupais du côté technique et Achour de la comptabilité”. Avant de rejoindre le banc des accusés, il interpella la cour : “Je me demande seulement pourquoi aucun des nombreux comptables de Achour n'a été auditionné.” Après une pause d'une heure et demie, le procès a repris à 14h41. “La seconde partie du procès débute maintenant avec l'audition des témoins”, a déclaré le juge dès la reprise de la séance. Les premiers à être interrogés étaient trois membres du conseil d'administration avant d'être suivis par l'inspecteur régional de la BNA. Le procès devait reprendre ce matin.