Vert, rouge et blanc, les couleurs de l'emblème national que l'on porte dans son cœur et que l'on brandit haut pour exprimer son algérianité. Après l'explosion de joie toute spontanée de milliers d'Algériens au dernier coup de sifflet du match haletant Zambie-Algérie et les défilés dans les rues, à pied, en moto, en voiture et même en camion, nous nous sommes hasardés à interroger les gens croisés sur le cours de la Révolution de Annaba sur la signification des mots drapeau national et patriotisme. Des réponses, nous en avons eues, bien qu'il eût fallu expliquer à chacune des personnes sondées qu'il ne s'agit nullement d'une intrusion dans la vie privée, mais plutôt pour savoir si, d'une manière générale, les Algériens se prévalent encore de la fibre patriotique, par-delà les mouvements de foule. Des réponses mitigées mais qui ont un référent commun : les conditions sociales du plus grand nombre qui sont à améliorer et au plus vite, s'accordaient à dire nos interlocuteurs. Raouf, étudiant en sciences économiques, un peu plus de la vingtaine, ne s'embarrasse pas pour dire : “J'aime mon pays, bien sûr, mais pas tout le temps. Ce que je n'aime pas du tout, c'est la situation dans laquelle nos dirigeants l'ont mis. Être dans le lot des pays qui gagnent ou, à tout le moins, dans celui de deux qui se font respecter serait l'idéal pour moi.” Noureddine, nettement plus âgé, célibataire malgré lui, parce qu'“incapable d'avoir un logement à soi bien qu'ayant un emploi stable”, est beaucoup plus éloquent : “On ne réalise vraiment ce que le mot patriotisme signifie que lorsqu'on se trouve à l'étranger. La moindre allusion désagréable à l'Algérie vous met en boule et, souvent, vous réagissez d'une manière imprévisible. L'emblème national, c'est notre carte d'identité nationale collective. Chaque Algérien en a au moins un chez lui, j'en veux pour preuve cette exhibition spontanée de drapeaux de toute dimension à la moindre manifestation de liesse populaire, comme celle qui a suivi les victoires de l'équipe nationale de football. J'en avais personnellement emporté un de grande envergure dans mes bagages lorsque je poursuivais mes études en France il y a quelques années.” Un monsieur d'un certain âge, attablé à la terrasse de l'un des glaciers du cours, nous regarde d'un air circonspect avant d'expliquer : “Ce sentiment fort n'a jamais complètement été écarté par notre peuple. Les gens de ma génération sont suffisamment expansifs pour l'exprimer. Ceux qui ont la soixantaine comme moi ne se cachent pas d'aimer leur pays, parce que leur avenir est derrière eux. Les jeunes ressentent, j'en suis convaincu, la même chose mais ils se sentent abandonnés par ceux qui ont pour mission de leur assurer le minimum. Pas de travail, pas de logement et peu ou pas d'espoir d'en avoir un jour.” Avant d'assurer : “Si les besoins légitimes des jeunes sont satisfaits, vous verrez alors de quoi l'Algérien est capable.” Une vieille dame, qui s'est aventurée à descendre de la place d'Armes pour partager les moments de bonheur procurés par cette victoire, se dit exaltée par tant d'enthousiasme : “Voir l'emblème national fièrement porté à bout de bras par cette belle jeunesse criant son amour pour l'Algérie me donne la chair de poule. J'imagine de quoi nos fils sont capables si quelqu'un venait à toucher à notre chère Algérie.”