Nous vous proposons pour cette semaine la dernière partie consacrée aux rêves vu par les Grecs. Pour avoir une suite chronologique, nous vous invitons à vous référer aux précédents numéros. Avec Hippocrate (ou le pseudo Hippocrate, puisque les textes sur lesquels on s'appuie lui sont attribués à tort), le rêve permet non seulement de redire l'avenir mais aussi d'établir des diagnostics médicaux. En effet, dans la mesure où l'âme, libérée des impressions de l'état de veille, prend le contrôle des fonctions physiologiques et psychologiques du corps, elle est en mesure de découvrir les troubles qui l'affectent et de les transmettre au dormeur sous forme d'images. Pour connaître l'état de santé d'un individu, il suffit d'interpréter ses rêves. Ainsi, l'hypertendu rêve d'inondations et de fleuves en crue, l'anémique de cours d'eau secs, etc. Les rêves de planètes révèlent également des troubles importants : un soleil anormal signale des troubles cardiaques, des syncopes et des hémorragies, mars annonce des fièvres et des inflammations diverses, Jupiter une mauvaise circulation du sang, ect. La Grèce disposa de bonne heure de sanctuaires où des dieux étaient censés répondre, par l'intermédiaire du rêve, aux questions des malades du rêve, aux questions des malades et même les guérir. Les plus célèbre étaient consacrés à Esculape, dieu de la médecine. On y pratiquait l'incubation, un rite qui consistait à passer la nuit dans l'enceinte sacrée et à invoquer le dieu qui inspirait le rêve thérapeutique. Carl Alfred Meier, qui a consacré un ouvrage à l'incubation dans l'ancienne Grèce, décrit ainsi le rite : Après certains rites purificateurs, des ablutions et des sacrifices préliminaires, le malade s'endormait sur son kliné (clinique) dans l'abaton ou l'adyton, ce qui veut dire le lieu réservé aux invités. Le malade survenait pendant son sommeil dans l'abaton. C'était là la procédure de l'incubation ; incubaré veut dire dormir dans le sanctuaire, le mot grec étant egkoimé. La question de savoir si le rêve convenait ou non était tranchée par le résultat car, si c'était le bon rêve, le malade se réveillait guéri. Apparemment, il était toujours guéri si dans son rêve il était visité par Esculape. Le Dieu lui apparaissait alors, Onar (dans le rêve), pour employer l'expression technique, ou bien Upar (à l'état de veille), ou, comme nous le dirions, dans une vision s'il était trop ému pour dormir. Le dieu apparaissait soit comme l'homme barbu de son image culturelle, soit comme un jeune garçon. Il pouvait aussi être accompagné par son épouse vierge ou sa fille Hygeiea, et parfois par Panakeia ou “Iaso”. Au lieu de paraître en personne, il pouvait déléguer un de ces derniers ou, s'il le préférait, se montrer sous un aspect chien ou serpent. Sous l'un ou l'autre de ces aspects, il touchait la partie malade du corps du dormeur, puis disparaissait. Aux époques très anciennes, le malade semble avoir été considéré comme incurable s'il n'était visité que par Esculape la toute première nuit. (Dernière partie)