Cette banque privée connaît une situation de black-out. Ils s'affolent, ils crient leur colère, leur désespoir, et certains vont même jusqu'à tenter de se suicider. Eux, ce sont les clients de la banque privée BCIA regroupés hier encore autour du siège de cette dernière au niveau de Garidi. Ils réclament leur argent et s'affichent même conciliants, voire indulgents avec leur banque en acceptant des sacrifices. “On demande à être rassuré. Qu'on nous explique ce qui se passe. Chaque jour, le PDG et ses collaborateurs nous font des promesses qu'ils ne tiennent pas”, lâche dépité ce client, simple particulier au même titre que ceux qui l'accompagnaient.“Nous ne demandons pas la totalité de nos avoirs, mais au moins de quoi remplir nos engagements et continuer à vivre, à travailler et à profiter de notre argent”. Ils déclarent être prêts à accepter un échéancier de remboursement pour faciliter la tâche à leur banque. D'ores et déjà, ces citoyens ont décidé de s'organiser en comité afin de faire entendre leur voix et faire “entendre raison” aux responsables de la BCIA pour qu'ils “daignent se manifester”. La colère a atteint son paroxysme hier, après que les locaux de l'agence principale Garidi eurent été transférés à Hussein Dey. Sans annonce ni autre communiqué. “Jeudi dernier, elle était encore là, et aujourd'hui, on nous dit qu'elle a été transférée à Hussein Dey. Le même scénario a eu lieu pour l'agence de Ben Aknoun transférée elle à Dély Ibrahim”, nous déclarent ces épargnants de la banque privée qui interprètent une telle précipitation de déménagement des agences comme étant une fuite en avant qui “accentue la méfiance”. Hormis les cadres et certains responsables de la direction générale qui ont eu ce courage et assument la responsabilité de faire face au désarroi d'une clientèle balançant entre la rumeur et la promesse, nous n'avons pu rencontrer les patrons de la BCIA. Ils ont promis que tout allait rentrer dans l'ordre d'ici à jeudi prochain déclarent certains clients accrochés à l'espoir, alors que d'autres, plutôt sceptiques, rétorquent : “On nous a dit la même chose, jeudi dernier.” Toutes les catégories sont représentées, des détenteurs de comptes courants, de dépôts à terme rémunérés bien entendu au taux régulier, celui du marché, tient-on à préciser comme pour marquer la différence et écarter toute ressemblance avec l'affaire Khalifa. “Surtout ne confondez pas, vous les journalistes. Cette affaire n'a rien de similaire avec celle d'El Khalifa”, nous lancent-ils, paradoxalement pour défendre l'établissement contre lequel ils sont en colère. En fait, cette situation de black-out général dure depuis un mois pratiquement, au lendemain de l'éclatement de l'affaire des traites avalisées opposant la BCIA à la BEA et ayant débouché sur le blocage des comptes de la banque privée pour un montant de plus de 2 milliards de dinars. Les difficultés allaient s'accentuer et s'aggraver avec le coup de grâce du Chef du gouvernement qui annonçait devant les sénateurs que la BCIA souffrait d'un trou de 7 milliards de dinars et en tranchant, en faveur de la BEA, le litige en question. La réaction logique ne s'est pas fait attendre ; le rush de la clientèle sur les agences de la BCIA s'est, depuis, bruyamment manifesté et menace jusqu'à la sécurité des personnes et des lieux, nous indique-t-on. Depuis, l'activité de cette banque s'est limitée pratiquement à tenter de rembourser la clientèle en fonction des rentrées quotidiennes. Des jours on “paye 15 000 DA et certains jours 10 000 DA alors que nous avons pour la plupart des millions de dinars en compte”. “Que vais-je faire avec 15 000 dinars ? Je réclame mon avoir qui s'élève à 5 millions de dinars ?” Pourquoi ce silence des pouvoirs publics et notamment de la Banque d'Algérie, s'insurgent ces citoyens. Certains sont agriculteurs et engagés pleinement avec cette banque, d'autres sont simples déposants, ou encore des importateurs, ou comme la SARL ABC une entreprise privée engagée sur les chantiers de l'AADL au niveau des Eucalyptus et dont le projet risque sérieusement de souffrir; tous les échantillons de la clientèle possible sont ainsi concernés. Dans ce flou inquiétant, ni la Banque d'Algérie et encore moins une quelconque décision de l'illustre commission bancaire ou l'éventualité d'un administrateur ne sont perceptibles. “D'ici à jeudi prochain, tout rentrera dans l'ordre”, déclarent encore des voix anonymes au niveau de cette banque. Un autre sursis donc. A. W.