L'habit ne fait certainement pas le moine. Encore moins quelques apparats qui auront inutilement focalisé l'attention de certains esprits chagrins plus enclins, il est vrai, à se transformer subrepticement en contrôleurs financiers qu'à positiver une manifestation qui relève de la responsabilité historique de notre pays. Force est de constater, cependant, que l'argumentaire développé jusque-là pour justifier l'organisation de la deuxième édition du Festival culturel panafricain se caractérise par une certaine approximation. Pourtant, au-delà des similitudes et des convergences de formes de pensée, au-delà du fond commun, l'Africanité c'est, à l'évidence, le destin partagé, la fraternité du combat libérateur et le même avenir à assumer de concert pour le maîtriser. L'Africanité est faite de la double source de nos héritages communs et de notre communauté de destin. Organisé en marge du Festival culturel panafricain du 21 juillet au 1er août 1969, le Symposium d'Alger a, de l'avis même de Mohamed Seddik Benyahia alors ministre de l'Information, démontré dans l'enthousiasme collectif d'un continent qui se retrouvait, qu'il n'était point une manifestation de circonstance, mais bien la première expression totale du phénomène culturel africain, affirmé, voulu et assumé dans son ensemble et dans l'amplitude de ses influences. Que ce soit celles qui font germer les racines sensibles de notre être ou celles qui orientent nos possibilités de renouvellement et de dépassement. À l'éclat et à la couleur des manifestations populaires de ce premier Festival culturel panafricain, les travaux du symposium ont apporté, confiait-il alors, le contrepoint essentiel de la réflexion et de l'analyse. La conservation de la culture a sauvé les peuples africains des tentatives de faire d'eux des peuples sans âme et sans histoire. La culture les préserva. Il est bien évident qu'ils veulent désormais qu'elle serve à prendre le chemin du progrès et du développement, car la culture, cette création permanente et continue, souligne le Manifeste culturel d'Alger, si elle définit les personnalités, si elle relie les hommes entre eux, impulse aussi le progrès. Voilà pourquoi l'Afrique se doit d'accorder tant de soins et de prix au recouvrement de son patrimoine culturel, à la défense de sa personnalité et à l'éclosion de nouvelles branches de sa culture. Il eût été commode pour certains et confortable pour d'autres, fait-on remarquer, qu'à l'indépendance politique, les Africains ne mettaient ni conditions ni prolongements ; ils auraient pu se contenter d'un passé culturel folklorique, d'une “culture pauvre” et renoncer finalement à leur vraie liberté et à leurs réelles indépendances. Longtemps condamné par le colonialisme à l'exotisme et vouée à la solitude des musées, la culture africaine se doit d'être aujourd'hui l'expression vivante du monde, un monde où l'homme de culture africain ne doit être ni absent ni passif. Encore moins marginalisé, victime malgré lui d'une négation castratrice. Le souligner sur la base d'une critique constructive relève plus du patriotisme que du nihilisme, encore moins de l'opportunisme ce mal du siècle qui mine l'avancée démocratique de tout un peuple. La voix de l'électron libre s'est éteinte sur les ondes. Mais qu'importe, puisque certains esprits qu'il affectionne tant (malgrétout) développent, désormais, un argumentaire digne de notre africanité retrouvée... A. M.